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Transports: 21 images qui racontent l’année 2019

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Des cyclistes se fraient un chemin à un carrefour encombré, le 5 décembre, premier jour de grève.

« Priorité aux transports du quotidien ». Tel était l’objectif de la loi d’orientation des mobilités (LOM), annoncée dès juillet 2017 et finalement promulguée au lendemain de Noël, le 26 décembre 2019. Cette parution au Journal officiel est l’un des événements, parmi de nombreux autres, de l’année 2019 dans le secteur des transports. Voici une liste illustrée, forcément incomplète, enrichie de quelques observations personnelles, des événements qui ont ponctué l’année.

Un homme évite une trottinette sur un trottoir de Paris.

Janvier, trottinettes. On ne parle que de ça. Tout au long de l’année 2019, ces objets auront symbolisé les « nouvelles mobilités ». Personne n’aime les trottinettes électriques en libre-service, apparues dans les rues et sur les trottoirs des grandes villes, principalement à Paris. On ne compte plus les conférences de presse destinées à annoncer une maîtrise de ces objets, les amendements déposés par les parlementaires et les reportages télévisés pour dénoncer ces intrus. A la fin de cette année, toutefois, les trottinettes sont encore là, noyées dans la masse du trafic, mais elles roulent moins vite, et leurs utilisateurs empruntent les pistes cyclables lorsqu’il y en a.

La future gare du super-métro francilien de La Courneuve.

Février, arceaux. Les gares du super-métro du Grand Paris seront équipées en arceaux de stationnement pour les vélos, mais pas en nombre suffisant. En novembre, il apparaît que seule une centaine de places sont prévues pour chaque gare de la ligne 15, en banlieue sud. Et pourtant, la Société du Grand Paris ne cesse de rappeler que « 90% des habitants vivront à moins de 2 km d’une gare » et qu’ils sont priés de ne pas arriver à la gare en voiture. A vélo non plus, apparemment.

Un avion survole la campagne.

Mars, flygskam. La honte de prendre l’avion se répand en Europe et en Amérique du Nord. Le secteur ferroviaire, en Suisse ou en Suède, constate une hausse de la demande. Sans renoncer totalement aux voyages en avion, on peut, à l’instar des flexitariens qui réduisent leur consommation de viande, devenir flexitaérien: le train à l’aller, l’avion au retour. Et sinon, on ne dit plus « compagnies aériennes », mais « industrie aérienne ».

Lancement du Collectif francilien pour le vélo, Massy, 15 mars.

Mars, collectif. Le Collectif vélo Ile-de-France est créé à Massy (Essonne). Pour la première fois, les associations d’Ile-de-France, une région dense où de nombreux trajets sont parcourables à vélo, réclament, ensemble, des aménagements cyclables. Ceci débouchera, en août, sur le concept de RER V, comme vélo.

Slow train, de Juliette Labaronne.

Avril, escapades. Parution de Slow train, un guide présentant une trentaine d’échappées ferroviaires en France. Par Juliette Labaronne, éditions Arthaud. Pendant, ce temps, des lignes secondaires ne sont plus entretenues, un exemple ici avec la ligne Morlaix-Roscoff.

A l’usine Brompton de Londres, le 17 avril.

Avril, Brompton. A l’usine Brompton, dans la banlieue ouest de Londres, les ouvriers mettent une derrière main aux modèles à assistance électrique mis en vente en Europe continentale. L’entreprise préfère continuer à produire à Londres plutôt que dans dans le nord-est de l’Angleterre, où les salaires sont pourtant plus bas. La direction de Brompton souhaite que ses salariés continuent d’utiliser les produits maison tous les jours, et ainsi contribuer à les améliorer.

Le téléphérique de Brest, le 25 avril.

Avril, téléphérique. Le téléphérique de Brest, qui traverse le fleuve côtier Penfeld, rencontre un incontestable succès auprès des habitants et des touristes. Mais le téléphérique urbain a-t-il vraiment un avenir comme mode de déplacement du quotidien? Les promesses tardent en tous cas à se concrétiser. Par ailleurs, le téléphérique de Brest dessert, sur la rive droite, une médiathèque, mais pas d’habitations. Et d’ailleurs, il ne fonctionne pas le lundi matin, ce qui le rend inopérant comme transport « domicile-travail ».

Un brassard confectionné par l’association d’usagers du RER B, contre le CDG Express.

Mai, CDG Express. Feu vert du gouvernement pour le CDG Express, qui sera mis en service en 2025. La construction et le fonctionnement de ce métro rapide entre la gare de l’Est à Paris et l’aéroport Charles de Gaulle, qui ne transportera que 17000 personnes par jour, risquent de fragiliser encore le RER B, où voyagent chaque jour ordinaire 900000 personnes.

Patrice Martin, président délégué du medef, lors d’une réunion consacrée à la mobilité.

Mai, lobby. Depuis le début de l’examen de la LOM, le Medef déploie un lobbying très actif pour éviter que le « forfait mobilité durable », qui doit encourager les salariés à utiliser le covoiturage et le vélo, devienne une obligation pour les employeurs. Et pourtant, ces derniers gagnent à financer les transports publics et le vélo.

Bus à Dunkerque, au début de l’été.

Juin, gratuité. La Communauté urbaine de Dunkerque exulte. Depuis que le réseau est gratuit (pour les usagers), la fréquentation des bus a progressé de 70% en semaine et la moitié des nouveaux usagers étaient auparavant automobilistes. Mais ce calcul est biaisé: pour calculer l’impact de la gratuité, il faudrait aussi comptabiliser les gens qui ne sont pas montés dans le bus et sont restés dans leur voiture. Et ils sont bien plus nombreux. Une enquête à lire ici, dans Mobilettre.

La navette autonome de La Défense, à l’arrêt.

Juillet, flop. Finalement, « ça ne sert pas à grand chose ». Le magazine Bus&Car rapporte que la navette autonome qui traversait le parvis de La Défense n’est pas parvenue à son objectif de passage en « full autonome ». Les voyageurs potentiels s’en sont détournés, préférant évoluer à pied. L’établissement public Paris La Défense annonce qu’il est mis fin à l’expérimentation. Coût pour les finances publiques: 300000€.

Dans la ZTL, au centre de Bologne, le 29 juillet.

Juillet, ZTL. En Italie, dans de larges périmètres au centre-ville, la circulation motorisée est réservée aux véhicules utiles, ceux des riverains, des commerçants et des livreurs. Ces « zones à trafic limité », ici celle de Bologne, permettent de limiter la pollution et offrent une vue dégagée sur les monuments séculaires.

Colloque consacré aux dangers de l’hyperconnexion.

Août, hyperconnexion. Etre sans cesse connecté, c’est néfaste non seulement pour le bon déroulé de ses vacances, mais aussi pour la vie de famille, sans compter les conséquences environnementales et démocratiques. On peut comparer les dangers de l’hyperconnexion à l’addiction au tout-voiture, c’est ici.

Vitrine à Argenton-sur-Creuse, le 11 août.

Août, gare. A Argenton-sur-Creuse (Indre), des habitants se mobilisent pour que les trains Paris-Limoges continuent à marquer l’arrêt en gare.

Le totem du centre de Paris, ici en décembre.

Septembre, totem. Inauguration par la maire de Paris Anne Hidalgo d’un totem compteur de vélos rue de Rivoli. Le même mois, les premiers fonds du plan vélo de 2018, destinés aux collectivité, sont annoncés. La facilitation des déplacements à vélo sera un des enjeux des municipales, à Paris, mais aussi à Nantes, Montpellier ou Annecy.

Deux-roues motorisés attendant le passage au feu vert, sur un « sas » réservé aux vélos.

Septembre, particules. Les scooters polluent beaucoup plus que les voitures. C’est ce que confirme une étude menée par l’organisme qui a révélé le Dieselgate.

Le périphérique parisien, le 5 octobre.

Octobre, périphérique. A l’occasion de la Nuit blanche, une partie du périphérique parisien est transformé en vélodrome. Le récit de cette expérience est à lire ici.

Le monorail suspendu de Wuppertal, le 31 octobre.

Octobre, Schwebebahn. Visite du célèbre monorail suspendu de Wuppertal. L’objet est amusant, le voyage distrayant. Mais ce train, construit en 1903, est une impasse technologique. Le système ne se prête pas à la constitution d’un réseau et les énormes barres métalliques neutralisent l’accès à la rivière Wupper au-dessus de laquelle plane le monorail. Enfin, contrairement au tramway ou au bus doté de couloirs réservés, le Schwebebahn ne contribue pas à limiter le trafic motorisé, puisqu’il circule au-dessus.

Novembre, Europadutout. Le mégacomplexe commercial et touristique Europacity ne verra pas le jour, annonce le gouvernement. Les promoteurs n’ont pas encore dit leur dernier mot et n’excluent pas de revenir à la charge. Ce mastodonte était l’un des symboles de ces zones commerciales qui s’étendent en périphérie des villes et qui multiplient les déplacements motorisés, même lorsqu’ils sont, comme ici en Ile-de-France, également desservis par les transports publics.

Pendentif imprimé en 3D, Sâacy-sur-Marne (Seine-et-Marne).

Novembre, gilets. Un an après novembre 2018, le mouvement des « gilets jaunes » se poursuit. Il révèle notamment les conséquences de l’étalement urbain, qui se traduit par la construction incessante de zones d’activité, commerciales et d’habitat reliées par des rocades. Un paysage très français qui rend la voiture « indispensable » et les transports publics inopérants. Dans les territoires peu denses, comme disent les spécialistes, les transports existent pourtant, mais ils sont négligés.

Passagers espérant un bus, le 9 décembre, à Paris.

Décembre, grèves. Les grèves à la RATP et à la SNCF durent davantage que celles de l’automne 1995. De nombreux enseignements seront à tirer de cette période, sur le strict plan de la mobilité. Alors que des centaines de km de bouchons s’additionnent chaque jour en Ile-de-France, le vélo est plébiscité à Paris et en petite couronne. La grève met aussi en évidence la mauvaise qualité de l’information délivrée aux voyageurs par les opérateurs, alors que les associations de voyageurs se révèlent bien plus fiables.

Bonne fin d’année quand même!

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

 

 

 

 

 


Voiture, vélo, scooter: les revirements des candidats parisiens

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Se déplacer à vélo est légitime, l’affaire semblait entendue. Il y a quelques mois, la plupart des candidats aux élections municipales à Paris (ainsi que dans les capitales régionales, mais cet article se concentre sur la situation parisienne) semblaient d’accord pour créer un réseau d’itinéraires cyclables. Sauf dans les camps de Rachida Dati (LR) ou de Marcel Campion, la course à qui serait le plus pro-vélo faisait rage, et chacun admettait alors qu’il faudrait pour cela transformer des espaces destinés à la circulation générale en aménagements cyclables.

D’autres propositions transpartisanes, destinées à apaiser la ville, fusaient, comme le stationnement payant des deux-roues motorisés, ou la sanctuarisation des couloirs de bus. Mais à moins de deux semaines des élections, ces promesses se fragilisent. Seuls les candidats Anne Hidalgo (PS) et David Belliard (EELV) semblent épargnés par ces volte-faces. Voici quelques revirements récents.

Gaspard Gantzer, le 11 décembre, à Paris.

Gaspard Gantzer, le véloplitain. « Les maires de Paris Bertrand Delanoë puis Anne Hidalgo ont eu raison de développer la pratique du vélo, le premier avec Vélib’, la seconde en piétonnisant et en créant des pistes cyclables ». Pour l’avenir, « je reprends l’idée de l’association Paris en selle, qui propose un réseau cyclable à l’échelle de la métropole ». Ce 11 décembre 2019, en pleine grève des transports publics, le candidat Gaspard Gantzer participe dans le 11ème arrondissement à une réunion du mouvement qu’il a lancé en mai 2018, « Parisiennes, Parisiens », sur le thème « Peut-on encore se déplacer à Paris? »

Les candidats Isabelle Saporta et Gaspard Gantzer, alors alliés, le 16 octobre 2019, à Paris.

Isabelle Saporta, « l’injonction à faire du vélo ». Deux mois plus tôt, le 16 octobre 2019, alors que tombe une grosse pluie sur les boulevards, Gaspard Gantzer monte sur la scène du Globo, un club du dixième arrondissement. Il est accompagné de la journaliste et autrice Isabelle Saporta, avec qui il fait alors campagne. « On n’en peut plus de l’injonction de la mairie de Paris à faire du vélo », confie la candidate, au cours d’une longue discussion dans le brouhaha qui anime la salle.

Le candidat Pierre-Yves Bournazel, ici lors de la campagne de 2014.

Pierre-Yves Bournazel, le stationnement des scooters. « Il faut réduire la place occupée par les véhicules polluants ». Les deux-roues motorisés posent trois problèmes : « la saturation des trottoirs, une pollution supplémentaire, des nuisances sonores ». Ce 14 novembre 2019, juste avant un vote au Conseil de Paris, le député de centre-droit et alors candidat Pierre-Yves Bournazel liste précisément les arguments en faveur du stationnement payant pour les deux-roues motorisés. A Vincennes et Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), qui ont déjà pris cette mesure, les scooter-ventouse ont disparu. Les écologistes votent pour, quelques conseillers soutenant Cédric Villani aussi, et la majorité municipale vote contre (les détails ici).

Benjamin Griveaux, lors du Grand oral vélo, le 29 janvier.

Benjamin Griveaux, la place de la voiture. « Je veux moins de pollution, donc moins de voitures ». Ce 29 janvier, lors du « Grand oral vélo » organisé par les associations Paris en selle et Mieux se déplacer à bicyclette, Benjamin Griveaux, candidat à la mairie de Paris pour La République en marche (LRM) se montre clair. Il affirme lui aussi reprendre à son compte le projet de « vélopolitain », qu’il qualifie de « très belle bataille culturelle ». Il assure que le réseau sera réalisé « dans le mandat », en commençant par les itinéraires qui doublent, en surface, « les lignes de métro sursaturées, comme la ligne 13 ».

Chamboule-tout. Depuis ces prises de position que l’on qualifiera de courageuses, iconoclastes ou surprenantes, au choix, tout a été chamboulé. Pierre-Yves Bournazel a d’abord rallié Benjamin Griveaux, qui a lui-même abandonné la campagne électorale le 14 février, remplacé par l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn. Gaspard Gantzer a rallié la susdite candidate de LRM le 20 février, tandis qu’Isabelle Saporta est désormais tête de liste dans le 14ème arrondissement pour le candidat LRM dissident Cédric Villani.

Paris à vélo, mais sans piste cyclable.

Allégeances. Dès lors, les candidats ont fait comme à chaque fois que, en politique, on prête allégeance: ils ont mis en sourdine leurs réflexions et adopté la position de celui qu’ils rallient. Agnès Buzyn donne désormais le ton. Elle n’est pas contre le développement du vélo, et assure même, dans une interview au Journal du dimanche le 23 février, qu’elle en veut davantage, mais ne précise pas la façon dont elle procèderait. L’ancienne ministre refuse ainsi  de supprimer des places de stationnement pour construire des voies  cyclables, un choix qu’elle qualifie d’« écologie punitive », une expression popularisée par Ségolène Royal. Bref, la candidate LRM ne veut pas « opposer les modes ».

Sauf que, dans une ville aussi dense que Paris, créer un « plan vélo sécurisé », comme dit Agnès Buzyn, c’est nécessairement modifier l’aménagement urbain, faire des choix et donc opposer les modes, pas forcément les usagers (précisions ici). Question subsidiaire, dans « plan vélo sécurisé », qu’est-ce qui est censé être sécurisé? Le plan, les vélos, les pistes, les gens? Et comment? Bref, c’est flou.

Stationnement payant pour les scooters, Charenton-le-Pont (94)

Subvention aux scooters. La candidate qui a succédé à Benjamin Griveaux ne s’est, semble-t-il, pas encore exprimée sur le stationnement des scooters. Mais il n’y a pas de raison de penser qu’elle aura un avis différent de celui de son prédécesseur, Benjamin Griveaux, rallié par le député Bournazel le 16 janvier. Le candidat de LRM, opposé au paiement, préférait l’octroi d’une prime de 2000€ pour accélérer le remplacement du scooter thermique par un scooter électrique. Autrement dit, pour atteindre le même résultat, LRM préconise une mesure qui, au lieu de rapporter de l’argent à la collectivité, lui en coûterait. Aujourd’hui, seul Pierre-Yves Bournazel, isolé, défend encore la mesure.

Enfin Isabelle Saporta, qui ne dénonce plus « l’injonction à faire du vélo », a rejoint un candidat, Cédric Villani, qui présente un programme assez étoffé en la matière, du « vélopolitain étendu à la petite couronne » aux garages fermés à clef en passant par l’apaisement de « micro-quartiers dont les axes sont transformés en places piétonnes, comme à Barcelone ».

Le stade simpliste. En campagne électorale, les ralliements sont fréquents, les programmes s’étoffent au fur et à mesure, les chaises se font musicales et les promesses n’engagent que ceux qui les entendent. Surtout en matière de mobilité, un sujet complexe. On pourrait imaginer que les nouveaux venus, Agnès Buzyn par exemple, s’inspirent des réflexions forgées après des mois de campagne par ceux qui l’ont ralliée. Mais curieusement, quand il s’agit des transports, chaque nouvel arrivant doit passer par le stade simpliste, le niveau basique, « l’écologie punitive » et « l’opposition des modes ». Tout aussi curieusement, en politique, le chef, c’est le chef, même s’il gravite autour de lui des gens qui ont davantage travaillé les dossiers.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

Bonus: un montage vidéo résumant l’évolution stupéfiante de Marie-Laure Harel, candidate UMP en 2014 dans le 3ème arrondissement, et désormais porte-parole d’Agnès Buzyn.

 

 

 

 

 

Avec le « baromètre des villes marchables », notez la place du piéton dans votre ville

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Devant la gare de Valence.

Des trous et des flaques d’eau que la poussette ne peut éviter, des carrefours anxiogènes à traverser en deux fois, des passages réservés aux piétons, mais jamais repeints, des scooters garés en pagaille sur les jolies places, des panneaux publicitaires et des lampadaires, des pistes cyclables tracées sur les trottoirs, etc. Dans les villes, en France, cheminer à pied suppose une certaine abnégation. A observer la voirie, il semble que ces déplacements soient à peine considérés, tandis qu’ils sont réduits, dans les discours, à « la foule » ou au « monde ».

« Trottoir » à Liffré (Ille-et-Vilaine)

Soutien de l’Ademe et de deux ministères. La Fédération française de randonnée (FFR) et Place aux piétons (qui réunit 60 millions de piétons et Rue de l’avenir) ne veulent plus se contenter de cette place secondaire laissée aux piétons dans les villes. Cette fédération et ce collectif, qui promeuvent respectivement la promenade récréative et la marche utilitaire, proposent un questionnaire en ligne permettant aux habitants de noter leur ville, ou les villes, où ils se déplacent régulièrement. Les associations, soutenues par l’Ademe et deux ministères, espèrent ainsi sécuriser les déplacements à pied, faciliter les trajets de proximité et sensibiliser les élus.

Lire aussi: Voilà à quoi ressemble un « trottoir intelligent » (janvier 2019)

Une rue « piétonne » à Toulouse.

10 minutes pour répondre. Ce « Baromètre des villes marchables » s’inspire directement du « Baromètre des villes cyclables » imaginé par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), dont les deux éditions, en 2017 et 2019, ont rencontré un grand succès, avec respectivement 113000 et 185000 réponses.

Le questionnaire, que l’on remplit en une dizaine de minutes, est en ligne jusqu’au 15 mars. Il évalue l’ensemble des enjeux liés aux déplacements à pied: est-ce agréable ou non de marcher dans cette ville, la voirie est-elle agencée pour cela, les autres usagers se montrent-ils agressifs ou non?

Lire aussi: La ligne de désir, ou la ville inventée par le piéton (janvier 2017)

Passage réservé aux piétons à Aix-en-Provence. Et puis en fait non.

Enquête qualitative. La FFR et Place aux piétons demandent aux citadins de signaler les détails qui expliquent leurs difficultés à se déplacer: les trottoirs jamais nettoyés ni déneigés, l’absence d’itinéraire alternatif en cas de travaux, le défaut d’éclairage des rues, l’absence de signalétique spécifique, etc. Suivent des propositions « qualitatives », comme on dit dans les instituts de sondage. Les répondants sont invités à indiquer les lieux qu’ils apprécient le plus pour la marche, et doivent choisir, parmi une dizaine de propositions, celles qui leur semblent les plus efficaces: « verbaliser davantage le stationnement sur les passages piétons », « modérer la vitesse des véhicules », « réserver l’usage des trottoirs aux déplacements à pied », etc.

Un scooter roule sur le trottoir, provoquant le mécontentement d’un passant. Le scooteriste laisse ensuite son engin sur le trottoir et vient insulter le passant. Paris, février 2020.

On va le dire simplement et directement: il faut répondre à ce questionnaire. Aujourd’hui, comme le montrent les images illustrant cet article, la marche est rarement considérée comme un mode de déplacement à part entière. La plupart des élus et des aménageurs, ainsi qu’une partie des autres usagers, considèrent qu’un être humain valide passe partout, quitte à faire un peu de gymnastique ou à prendre quelques risques. « On croit que la marche va de soi, mais ce n’est pas du tout le cas », soupire Anne Faure, présidente de l’association Rue de l’Avenir.

Un agent immobilier fait sa publicité sur le trottoir, à Sète (Hérault).

Mortalité routière. Nous sommes au début des années 2020, et le tout-automobile a prouvé son inefficacité, en plus de générer une série de nuisances qui s’additionnent les unes aux autres. Pour mémoire, chaque année, les piétons représentent 12 à 15% des tués de la route, renversés pour leur immense majorité par des véhicules motorisés.

Lire aussi : Accident mortel, le compte Twitter de la route qui tue (janvier 2018)

Trottoir supprimé, mais passez donc par la piste cyclable.

Rêve de proximité. La plupart des gens ont compris l’intérêt de pratiquer un exercice physique régulier, et la « vie de village », un environnement immédiat où il serait possible de tout faire à pied, gagne des adeptes. Les habitants rêvent de proximité, plus encore depuis le début de la crise sanitaire, comme le raconte la journaliste du Monde Catherine Rollot dans cet article de septembre dernier. En outre, souligne Anne Faure, « la marche procure des apports économiques indirects, elle soutient le commerce, le tourisme, la restauration ».

Tout ceci n’a pas échappé à quelques élus, comme le montre ce tweet du vice-président de la métropole de Lyon en charge de la voirie et des mobilités actives.

https://twitter.com/Fabien_Bagnon/status/1347431789682429952

Changer la ville. Ainsi, répondre à ce questionnaire des villes marchables, c’est contribuer à changer la ville, à rendre effectives toutes les observations délivrées depuis des décennies par les spécialistes de l’urbain, la « qualité de vie », « la ville à taille humaine », etc. Des proclamations souvent reprises par les candidats aux élections, mais rarement concrétisées. Pourquoi? Parce que ça prend du temps et de l’énergie et que cela exige de renverser les habitudes établies.

Trottoir minuscule à Aubenas (Ardèche)

La FFR espère plus de 200000 réponses, Anne Faure, plus réaliste, estime que « 100000, ce serait bien ». Le 11 janvier, 15000 questionnaires avaient été enregistrés. Les résultats seront publiés en avril.

Et une fois encore, voici le lien vers le Baromètre des villes et villages marchables.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

 

 

 

Ile-de-France: les promesses des candidats face à la réalité des transports quotidiens

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Réseau souterrain francilien, années 2010.

Ils sont d’accord sur l’essentiel. Oui, bien entendu, ils veulent désaturer les réseaux de transport, améliorer le confort des passagers, promouvoir le vélo, créer des voies de covoiturage. Certes, chacun a ses marottes. La candidate soutenue par le PS, Audrey Pulvar, tient à la « gratuité des transports » (pour les usagers, pas pour les contribuables). Le candidat d’extrême-droite Jordan Bardella veut que des agents arpentent les stations de métro avec des armes. Laurent Saint-Martin (LREM) reprend le refrain de « l’écologie non contraignante » qui consiste en pratique à ne rien changer. Mais pour le reste, les listes qui se présentent aux régionales franciliennes ne souhaitent que le bien des usagers (détails ici, dans Le Parisien).

Lire aussi: Se déplacer n’est jamais gratuit, quel que soit le sens qu’on donne au mot « gratuit » (mars 2018)

Trajets éprouvants. En Ile-de-France, plus que dans n’importe quelle autre région, les transports constituent le thème principal des élections régionales des 20 et 27 juin. Plus de 8 millions de voyages étaient effectués chaque jour dans les années 2010 dans les RER, bus, métros ou tramways. Les conditions éprouvantes de certains de ces trajets sont connues de la France entière, par le biais des reportages télévisés récurrents: foule qui se presse, retards impromptus, trains courts aux heures de pointe, couloirs anxiogènes, absence de toilettes, etc. La pollution atmosphérique, le bruit pétaradant des scooters, le réchauffement climatique, sont des réalités concrètes. La mobilité, en région parisienne, est d’abord subie.

Autoroute A 86, printemps 2021.

Seul dans sa voiture = privilège. Les solutions, connues depuis longtemps, n’ont pas échappé aux candidats. Dans cette agglomération de 12 millions d’habitants, ce qui manque le plus, c’est l’espace. Celui qui effectue un trajet seul dans sa voiture, surtout là où il existe une alternative, est de facto un privilégié, au sens où il occupe à lui tout seul un espace où pourraient voyager quatre personnes (en covoiturage) ou dix personnes (à vélo). Or, ces deux modes de transport sont totalement sous-utilisés.

A écouter (15′): « Lost in transportation, le stationnement des voitures », par la société de conseil 6T.

RER V comme vélo. Les candidats s’engagent, presque tous, à matérialiser le « RER V », V comme vélo, conçu par le Collectif vélo Ile-de-France. Ils l’ont affirmé lors du débat (vidéo ici) organisé le 4 mai par le Forum des vies mobiles et la Fabrique écologique. Même Jordan Bardella (qui était absent de ce débat, peut-être effrayé par les questions techniques qu’on pourrait lui poser) veut davantage de vélo, tout en s’insurgeant contre « la guerre infernale menée aux automobilistes ». Sauf qu’on ne fait pas de politique vélo efficace, dans une région aussi dense, sans prendre de l’espace à la voiture.

Cela dit, les candidats n’expliquent pas vraiment comment ils arriveront à convaincre les maires réfractaires, les départements hésitants, les services habitués à faire de la route parce qu’on fait comme ça depuis toujours.

Quai de RER, années 2020.

Infrastructures retardées. Du côté des réseaux de transports en commun, l’amélioration de la fiabilité repose en partie sur la réalisation d’infrastructures, dont beaucoup ont été retardées ou bloquées, comme le déplore l’Association des usagers des transports (AUT) en Ile-de-France: extensions de tramways, bus circulant dans des voies dédiées, voies supplémentaires pour le RER C, etc.

Le bus doit être prioritaire sur la voiture. Mais la fluidité des transports publics nécessite aussi des aménagements beaucoup moins coûteux et complexes que les grands chantiers, presque des petites choses. Là encore, il s’agit d’optimiser l’espace. Les bus, dans lesquels les Franciliens effectuaient, en 2018, 4 millions de déplacements chaque jour, butent encore sur les encombrements. Or, les bus devraient être prioritaires, partout, sur les voitures, les scooters et les vélos. Les couloirs réservés manquent, certaines municipalités refusent de les matérialiser, et les feux sont rarement synchronisés pour donner la priorité aux transports en commun. En outre, comme l’explique l’AUT, les arrêts sont parfois mal positionnés, certaines gares sont desservies par une ligne de bus dans un sens mais pas dans l’autre, etc. En d’autres termes, il faut prendre de la place à la voiture pour la donner au bus.

Sur ces points, les programmes demeurent flous. Les candidats promettent « 500 bus de plus » (Valérie Pécresse, soutenue par LR), « des arrêts à la demande en soirée » (Audrey Pulvar), veulent « modifier la motorisation du parc de bus » (Julien Bayou, EELV) ou « augmenter la flotte en grande couronne » (Clémentine Autain, LFI-PCF).

Foule à Saint-Lazare, années 2010.

Toujours plus de monde. Mais tous ces engagements butent sur une réalité que les candidats peinent à intégrer. Tant que la région cherchera à attirer davantage d’entreprises, d’emplois et donc d’habitants, les transports, par la route ou par le fer, publics comme individuels, seront de plus en plus saturés. Et, incidemment, cette attractivité à tout prix fera monter les prix de l’immobilier. Stéphane Beaudet, vice-président sortant chargé des transports, le disait sans fard en 2018, bien avant la campagne électorale:  « On investira 24 milliards d’euros d’ici à 2025 pour remettre le réseau en état. Mais il est certain que, malgré cet investissement, on n’aura pas désaturé le réseau en 2025 ».

L’attractivité à tout prix, une fuite en avant. En d’autres termes, la région parisienne ne peut devenir vivable pour ses habitants que si elle renonce à se vouloir toujours plus attractive. Voilà qui tombe bien, car une part croissante des Franciliens, dès avant l’épidémie, rêve de vivre ailleurs. Surtout, les habitants des autres régions envisagent, encore moins qu’avant, de s’installer dans la conurbation parisienne. Celui qui, il y a 15 ans, aurait quitté Montauban ou Avallon pour faire carrière avec un meilleur salaire à Levallois-Perret ou à Alfortville, préfèrera rester dans sa région, ou migrer à Pau ou à Dijon.

Pour compléter: Les Franciliens veulent ralentir, davantage de proximité et de télétravail (Forum des vies mobiles, avril 2021).

Piste cyclable « à pérenniser d’urgence », octobre 2020.

Ce constat va totalement à l’encontre du programme de Valérie Pécresse, comme en témoigne cet extrait d’un tract distribué dans les boîtes aux lettres: « attirer toujours plus d’emplois et de talents. Continuer à réduire les fractures territoriales ». Le 4 mai, lors du débat organisé par le Forum des vies mobiles, Laurent Saint-Martin ne disait pas autre chose: « il faut que les Franciliens aient envie de vivre dans leur région et d’y rester ». Une formule proche de celle d’Audrey Pulvar: « 12 millions de personnes vivent dans la région et veulent y rester ».

Demande de proximité. Trois candidats, représentant des forces plutôt marginales jusqu’à récemment, pensent avoir trouvé une parade à cet attractivisme. Clémentine Autain veut « rapprocher les lieux de vie des lieux de travail, des services publics ou encore des espaces culturels et sportifs ». Jordan Bardella espère « désaturer Paris et sa proche banlieue en permettant le travail et l’activité économique en grande couronne ». Et Julien Bayou plaide pour « la déconcentration des services et des infrastructures, permettant à chacun un accès à un centre de santé, à des emplois… non loin de chez soi ».

A vélo dans Paris: Ras le scoot. Juin 2021.

Lyon et Bordeaux ne veulent plus de la croissance à tout prix. Mais aucun candidat n’admet à ce stade que l’Ile-de-France doit accepter un certain dégonflement. Serait-ce une utopie décroissanciste, comme le soutiennent les bâtisseurs du Grand Paris? Non. C’est le discours, à Lyon, de Bruno Bernard, président (EELV) de la métropole. Et c’est aussi ce que disait Alain Juppé, ancien maire de Bordeaux, à un colloque, en septembre 2019: « Lorsque j’étais maire, j’avais lancé l’idée de ville millionnaire, une agglomération d’un million d’habitants. Mais les gens ont eu peur, et m’ont dit que Bordeaux ne devait pas trop grossir ». Les métropoles n’attirent plus, et leurs élus seraient inspirés d’en tirer les conséquences.

Pour compléter: Exode des « Parisiens » vers les villes moyennes, le télétravail ne suffit pas (février 2021)

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

https://twitter.com/BFMParis/status/1382769885256777729

 

En région parisienne, les conducteurs de scooters font partie des catégories aisées

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Merci à EricM qui en commentaire a repéré une BMW K1600GT de 1600 cm3; gros bourdon sur le trottoir, Paris, juin 2021.

Des réactions prévisibles, tellement prévisibles. Le 15 juin, la ville de Paris annonçait la fin de l’exemption du stationnement payant pour les scooters et motos. Encore un coup de ces « élites parisiennes déconnectées », qui pénalisent les motards pauvres habitant des banlieues. Les conducteurs de deux-roues motorisés n’auraient, selon la formule consacrée, « aucune alternative à leur moto pour aller travailler ». Dès lors, facturer le stationnement au prorata de l’espace occupé signerait une « politique d’exclusion sociale », etc. Le refrain est connu. On l’a entendu à propos des automobilistes et c’était faux.

Mode de transport peu observé. Mais qui sont exactement les utilisateurs de deux-roues motorisés en région parisienne? S’agit-il de livreurs sous-payés, d’artisans qui peinent à finir le mois ou de cadres supérieurs pressés? Ces usagers ne font pas l’objet d’une étude sociologique approfondie. Un tel manque n’est pas surprenant. Jusqu’à présent, ce mode de transport individuel et motorisé n’était que peu observé. Jusqu’en 2017, dans ses enquêtes annuelles sur les déplacements domicile-travail, l’Insee assimilait les scooters et les motos aux vélos, réunis dans une même catégorie, celle des « deux-roues ». Dans les colloques, articles, reportages consacrés aux déplacements, il est souvent question de la voiture et du vélo, mais rarement du deux-roues motorisé.

Lire aussi: Pour l’Insee, les déplacements à vélo n’existent pas (janvier 2013)

Fête de la musique (et du bruit), Paris, juin 2021.

Nuisances intériorisées. Il est vrai que l’usage des engins individuels motorisés était jusqu’alors considéré comme marginal, et leurs nuisances (bruit, pollution, encombrement, danger, sédentarité) étaient acceptées, voire intériorisées par les citadins. « Après tout, vivre en ville implique de supporter les vrombissements », se disait le brave « Parisien » en commandant un cappuccino à 8€ sur une terrasse de café minuscule.

Mais les temps ont changé. Les terrasses se sont élargies, le « Parisien » a découvert, le temps d’un printemps, une ville sans bruit ni pollution, et les communiqués de Ras le Scoot, association dont l’intitulé se suffit à lui-même, ont éveillé les sens de celui qui ferme ses fenêtres pour échapper au vacarme ou qui slalome sur les trottoirs entre les grosses motos.

Trottoir parisien, décembre 2019.

Des engins puissants et volumineux. Une étude (disponible ici) publiée en 2016 par l’Institut Paris région casse quelques idées reçues. Tout d’abord, si l’usage du deux-roues motorisé a progressé fortement dans les années 1990 et 2000, il s’est stabilisé depuis. On peut certes avoir l’impression inverse dans une rue très passante de la capitale. Mais le biais s’explique: ces engins sont de plus en plus gros, certains comportent trois ou quatre roues, un toit. Ils empruntent les grands axes à vive allure. Et une fois qu’on a remarqué leur présence en ville, on ne peut plus en faire abstraction.

Davantage à Paris qu’en banlieue. L’étude de l’IPR pose un autre constat intéressant: l’usage des motos et scooters est plus élevé à Paris que dans sa banlieue. L’enquête ménage déplacements francilienne de 2010 relève « 0,09 déplacement par personne et par jour à Paris, 0,06 en petite couronne et 0,04 en grande couronne ». Le mythe du banlieusard pauvre qui viendrait travailler à Paris s’effondre. L’IPR souligne par ailleurs que l’usage quotidien, plus élevé à Paris, diffère du taux de possession des véhicules, qui progresse à mesure qu’on s’éloigne du cœur de la ville.

Autrement dit, des motos stationnent dans des garages de petite ou de grande couronne, mais ne sortent pas tous les jours. A Paris et dans sa proche banlieue, à l’inverse, les scooters stationnent sur la voie publique et bougent davantage. « Le territoire d’usage intensif des deux-roues motorisés en Île-de-France n’est pas très étendu » et se limite à la capitale et à ses communes limitrophes.

On voit fleurir des panonceaux artisanaux qui interdisent le passage des deux-roues motorisés. Ici à Paris, juin 2021.

D’autres constats permettent d’affiner l’observation. L’IPR relève que l’on trouvait en 2014, parmi les utilisateurs, « 30% de cadres et 26% de professions intermédiaires. » Et la possession d’une moto ou d’un scooter n’est pas une alternative à la voiture. « 77% des ménages équipés d’au moins un deux-roues motorisé ont aussi une ou deux voitures », peut-on lire dans le document.

9 sur 10 sont des hommes. Enfin, environ 9 utilisateurs sur 10 sont des hommes. L’IPR avance le chiffre de 87%. Une étude empirique menée dans les rues de Paris en 2018 montre une proportion atteignant 92%. Une explication de cette surreprésentation masculine peut être avancée. Alors que le deux-roues motorisé est un engin bien plus dangereux que n’importe quel autre moyen de déplacement, certains hommes acceptent, davantage que les femmes, de prendre des risques. L’image que leur renvoie la société, et qu’ils se donnent parfois eux-mêmes, et celle d’individus forts et invincibles.

Lire aussi : 92% des conducteurs de scooters et motos sont des hommes (septembre 2018)

Automne 2020.

L’apanage des villes bourgeoises. Les recensements de l’Insee (ici) qui interrogent les déplacements domicile-travail par commune de résidence achèvent de brosser le portraits des motocyclistes. L’usage de ces engins est préféré par 5,7% des actifs de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), où le revenu médian atteignait 32960€ en 2018, et par seulement 2% des actifs d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où le revenu médian ne dépassait pas 14110€. L’examen de ces données pour les villes du cœur de l’Ile-de-France confirme que les scootéristes et motocyclistes sont surtout issus des catégories aisées.

Des sociétés tentent de capter cette clientèle aisée en disposant leurs engins sur les trottoirs.

Saint-Mandé vs. Saint-Denis. A Saint-Mandé, 34180€ de revenu médian, 4,9% des habitants circulent en deux-roue motorisé. Pour Boulogne-Billancourt, les chiffres sont de 6,3% et 33590€. Tandis qu’à Saint-Denis, on compte 1,9% de motards quotidiens et 15270€ de revenu médian. Pour Paris, les chiffres sont de 4,5% et 28270€. Quand on s’éloigne du centre dense, l’usage du deux-roues motorisé persiste d’autant plus que la ville est aisée: 4,2% et 30570€ à Saint-Maur-des-Fossés, 4,5% et 41120€ au Vésinet, mais seulement 2,2% et 19930€ à Créteil.

A ces cadres pressés se sont ajoutés, ces dernières années, les livreurs, une catégorie aux antipodes sur l’échelle sociale. La manie qu’ont certains citadins de se faire livrer leur nourriture ou leurs courses, qui s’est accélérée depuis le début de l’épidémie, a entraîné une explosion des déplacements motorisés. En effet, même si les plateformes promettent à leurs clients des livraisons « écologiques » et donc à vélo, le scooter s’est taillé une part significative du marché. Toutefois, d’après une étude de la société 6T parue début juin, seuls 36% des livreurs utilisent un deux-roues motorisés et même 7% une voiture. Plus de la moitié d’entre eux utilisent donc des vélos. Le décalage social persiste.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

Une autre manière d’organiser l’espace: Vevey (Suisse), où le stationnement est gratuit, mais réglementé.

 

 

 

Les filles de la campagne, entre car scolaire, dépendance motorisée et accidents de voiture

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« Espace rural » en 2021: un cycliste, un randonneur, un cavalier, un chien et un tracteur. Dans le Pas-de-Calais.

A la campagne, quand un véhicule inconnu stationne devant le domicile d’une femme qui vit seule, chacun s’interroge sur l’identité du mystérieux visiteur. Des copines de 13-15 ans qui vivent non loin d’une petite ville de 8000 habitants s’y rendent très rarement, car « il faut une voiture », et en plus, croient-elles savoir, les jeunes de la ville « n’ont pas une bonne mentalité ».

A la campagne, toujours, les adultes sont habitués à « faire le taxi ». Les jeunes lycéennes n’ont pas d’autre choix que d’être déposées bien avant l’heure sur le chemin du travail, ou de quitter une soirée plus tôt que prévu, car le parent qui conduit doit se lever à l’aube le lendemain.

Le vélo, exceptionnel et pour les loisirs. A la campagne, encore, « dans les groupes d’amis, les garçons sont plus âgés, passent plus tôt leur permis de conduire », car leurs parents leur font davantage confiance. A tort, puisque les accidents les plus graves impliquent très majoritairement des hommes. Et quand une femme monte sur un vélo, c’est exceptionnel et c’est pour se divertir avec ses copines, jamais pour effectuer un trajet de quelques kilomètres.

Lire aussi: Séjourner une semaine à la campagne, sans voiture (juillet 2019)

Les filles du coin, Presses de SciencesPo

Tout est mobilité. Ainsi, témoigne Yaëlle Amsallem-Mainguy, à la campagne, « le scooter, la moto, la voiture sont au cœur des discussions, rappelant à quel point les loisirs et les centres d’intérêt sont éloignés en milieu rural ». Le sujet principal de l’essai sociologique Les filles du coin (Les presses de Sciences-Po, 2021) n’est pas la mobilité. Mais ce thème est omniprésent, tant il est indissociable de la vie rurale contemporaine vécue par les jeunes femmes.

Quatre régions différentes. L’enquête de la sociologue raconte les aspirations et les difficultés de cette catégorie de la population qu’on n’entend pas souvent, qui ne pose a priori pas de difficulté particulière à la société et qui se conforme sans ciller aux injonctions genrées. Au fil des rencontres, dans quatre régions différentes (les Ardennes post-industrielles, la presqu’île de Crozon touristique, le massif de la Chartreuse, une plaine monotone dans les Deux-Sèvres), l’autrice raconte les amitiés de car scolaire, le TER toujours plus cher que le car, le covoiturage entre copines pour économiser l’essence, mais aussi les accidents de voiture.

Transport scolaire, Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône).

« Elle n’a pas su gérer son mec ». L’histoire de Laure, 27 ans, illustre cette réalité de manière dramatique. La jeune femme a perdu son compagnon, Mickaël, père de ses deux enfants, ainsi que son propre frère, dans un accident de la route, au petit matin, après une nuit qu’ils avaient passée à boire du whisky en discothèque. Elle avait rencontré Mickaël dans une cité de banlieue parisienne, après y avoir vécu deux ans, seul séjour en-dehors de son village du Finistère de toute sa vie.

Le jeune homme était Antillais, « le premier noir des environs », enchaînait les petits boulots en intérim et faisait la fête « trop souvent », explique sa compagne. Même s’il avait l’alcool mauvais, Laure ne voulait pas le quitter, de peur d’apparaître aux yeux des autres comme « celle qui a quitté son mari ». Après l’accident, les rumeurs et médisances ont filé bon train dans le village, ciblant Mickaël (« Il n’était pas du cru »), mais surtout Laure : « Elle n’a pas choisi un gars du coin, elle est revenue avec un gars de la cité ». « Elle n’a pas su gérer son mec ». Ainsi, à la campagne « les accidents de la route sont révélateurs de la place des femmes », résume Yaëlle Amsallem-Mainguy.

Arrêt de bus à Château-Landon (Seine-et-Marne)

Le « territoire rural » est multiple. Tant pis pour ceux qui résumeraient la France à deux entités antinomiques et irréconciliables, la rue de Rivoli d’un côté et « la campagne profonde » de l’autre, il n’existe pas une seule campagne, mais plusieurs, pose l’autrice. Ces régions diffèrent selon la présence ou non d’une métropole à proximité, l’attractivité touristique plus ou moins intense, le caractère industriel ou non, la densité de l’habitat villageois, etc.

Lire aussi: Sept découvertes étonnantes sur ce qu’on appelle « la campagne » (juillet 2020)

Ces données géographiques forgent les rythmes quotidiens comme les relations. Quand on a 17 ans, on ne vit pas de la même manière dans une petite ville de 3000 habitants, où il est possible de voir ses amies facilement, ou dans un hameau, où il faut compter sur ses seuls voisins, qui sont rarement jeunes. La place que s’attribuent les unes et les autres dans la hiérarchie sociale implicite découle en partie des capacités à se mouvoir sans demander l’avis des parents. Les besoins de mobilité guident aussi la vie sentimentale. Une jeune fille en quête d’autonomie se mettra volontiers en couple avec un homme un peu plus âgé qu’elle, détenteur du permis de conduire, peut-être même une voiture ou une moto.

L’envers de l’exode urbain. Enfin, parmi de multiples enseignements, l’enquête confirme les risques d’une politique territoriale fondée sur le seul exode urbain des citadins connectés. La fuite des grandes métropoles, en temps de covid, est présentée par les magazines tendance comme un choix libérateur. Des cadres harassés, ayant revendu leur trois pièces aux Batignolles ou à la Guillotière, ont acquis sans trop d’efforts une vaste demeure et un jardin duquel ils télétravaillent, dans un coin fleuri (enfin surtout l’été).

Lire aussi: Exode des « Parisiens » vers les villes moyennes, le télétravail ne suffit pas (février 2021)

Labarthe (Tarn-et-Garonne) use d’un argument utile en ces temps de télétravail: le très haut débit.

Mais quand on vit dans le coin, on n’apprécie pas trop. La plupart des jeunes habitantes interrogées par Yaëlle Amsellem-Mainguy établissent une nette distinction entre « ceux du coin », dont les noms ornent les stèles au cimetière, et les autres qui « ne viennent pas vraiment d’ici », même s’ils vivent dans la région depuis plusieurs décennies. « On est des étrangers, un peu. On a aucun lien de parenté ici. Et c’est difficile de s’intégrer dans un village comme ça », témoigne Raphaëlle, 15 ans, dont les parents ont racheté le gite dans lequel ils vivent. Précision : ils ont acheté ce logement il y a plus de dix ans.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

Comme le signale un lecteur, ceci rappelle Marly-Gomont (Aisne) que le rappeur Kamini chantait déjà en 2006.

 

 

 

 

 

 

 

A Paris, la plupart des marchés se tiennent sur les trottoirs et pistes cyclables

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Marché Daumesnil, Paris 12e. Deux fois par semaine, les camionnettes « neutralisent » la piste cyclable.

Ah, le joli marché parisien! Les produits de terroir, l’abondance des biens, une nourriture saine, le plaisir de se retrouver, des images typiques que les touristes adorent. Mais pour celui qui se déplace à pied ou à vélo, le jour du marché peut se transformer en parcours d’obstacle, au point de menacer sa sécurité.

Lire aussi, dans Le Monde: Face aux grandes surfaces et aux épiceries, les marchés de plein air font valoir leurs atouts (décembre 2021)

Marché Bastille, 11e. Quatre jours par semaine, la piste entre Bastille et République est interrompue, comme le montre le camion blanc garé en travers de la voie.

Le choix de ne pas contraindre la voiture. A Paris, contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des autres villes de France, la quasi-totalité des 72 marchés découverts se tiennent sur des trottoirs, des terre-pleins piétonniers ou des pistes cyclables. Comme s’il ne fallait surtout pas contraindre la circulation ou le stationnement motorisés. Voilà qui est étrange pour une ville dont la maire se targue tous les matins de s’attaquer à l’usage intempestif de la voiture.

Marchés Bastille et Popincourt. Les boulevards qui courent entre les places de la Bastille et de la République en sont une illustration, bien connue des habitués. Deux marchés se tiennent sur ces boulevards, ceux de Bastille et Popincourt, deux beaux marchés, bien fournis, dotés de stands bobo et populaires à la fois, le mardi et le vendredi pour Popincourt, le jeudi et le dimanche pour Bastille.

Lire aussi: Voyager pendant le confinement, chaque matin un marché différent (novembre 2020)

Les jours de marchés, pour la sécurité de tous, il faudrait limiter la circulation motorisée aux riverains et commerçants.

Mise en danger. Ces marchés prennent place sur le terre-plein central, tandis que les véhicules des commerçants stationnent à cheval sur les pistes cyclables aménagées de part et d’autre. Celles-ci sont donc « neutralisées », pour emprunter le vocabulaire en vigueur à la mairie de Paris, deux jours par semaine à deux endroits différents. En pratique, ces itinéraires sont impraticables quatre jours par semaine, de l’aube au début de l’après-midi. Les personnes circulant à vélo doivent donc se mêler aux voitures, taxis, scooters, camionnettes et autres motos, ce qui dissuade les moins agiles d’entre elles.

Boulevard Davout, 20e. La piste cyclable, en partie matérialisée sur une extension de trottoir, disparaît les jours de marché.

Ce n’est pas le seul exemple. Boulevard Davout, dans le 20ème arrondissement, le marché se tient sur la piste cyclable, tout comme à Daumesnil, dans le 12ème. Le long des boulevards de Belleville, de la Villette, Ménilmontant, Charonne, les conducteurs de deux-roues motorisés empruntent en toute impunité, les jours de marché, les pistes cyclables, pour éviter le gros du trafic.

Marché Belgrand (20e). Entre étales, voitures stationnées et arbres: le difficile cheminement des piétons.

Piétons sacrifiés. A Belgrand (20ème), les chalands doivent slalomer entre les étals, les arbres, et les voitures stationnées. Place Monge, dans le 5ème, les étals ne débordent pas du terre-plein central, comme s’il ne fallait surtout pas empiéter sur les rues qui l’entourent, restée ouvertes à la circulation motorisée. A pied, il faut se montrer vigilant pour accéder au marché où l’on piétine dans la boue les jours de pluie.

Pour accéder au marché de Passy (16e) à pied, il faut défier la circulation.

Accès anxiogène. Le marché très chic du boulevard Raspail est situé sur un minuscule terre-plein, et se partage l’espace disponible avec deux bouches de métro. Dans le 16ème arrondissement, le marché couvert de Passy est entouré de rues que personne n’a songé à piétonniser aux heures d’ouverture. Il en va de même aux Ternes, dans le 17ème.

Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). Les jours de marché, à Adamville, cette rue est piétonnisée.

Paris, une exception. Au-delà des conséquences pour les riverains et les usagers, cette disposition des marchés a pour conséquence qu’il est rare, à Paris, de pouvoir s’asseoir à une terrasse de café jouxtant directement un marché. A Morlaix (Finistère), Egletons (Corrèze), Périgueux, Mers-les-Bains (Somme), le marché se tient sur une place ou dans une rue piétonnisée pour l’occasion, et voisine les terrasses de café. A Lyon, la piste cyclable des quais hauts du Rhône est maintenue le dimanche, malgré le marché Augagneur.

Lyon. Le marché Augagneur, au bord du Rhône, laisse libre la piste cyclable.

Face à ces embarras parisiens, qui n’ont curieusement pas été diagnostiqués au cours des mandats de Bertrand Delanoë et d’Anne Hidalgo, les services de la ville semblent hésiter. « On voudrait demander aux commerçants d’installer leurs véhicules ailleurs que sur la piste cyclable, mais c’est très compliqué de les faire bouger », confie un responsable.

Suggestion: restreindre la circulation. Et pour cause! Les commerçants non-sédentaires ont besoin de se trouver à proximité de leur marchandise. En revanche, les jours de marché, la circulation pourrait être réservée aux commerçants, livreurs, riverains, ainsi qu’aux cyclistes et piétons, à la manière d’une « zone à trafic limité » italienne (détails ici).

Le Tréport (Seine-Maritime). Le marché se tient sur les quais, piétonnisés pour l’occasion.

Urbanisme éphémère. La ville pourrait, ainsi, profiter des événements hebdomadaires impondérables que sont les marchés pour rendre la ville plus vivable pour ses habitants. Dans les colloques et autres tribunes, les spécialistes de la ville célèbrent régulièrement « l’urbanisme éphémère », piétonisation temporaire d’une rue ou d’un quartier. Eh bien, elle est là, sous vos, yeux, la piétonisation éphémère, chaque semaine, le jour du marché!

Un modèle pour d’autres événements. On pourrait même aller plus loin, en tirant parti d’autres événements populaires. Le jour de la fête de la musique, par exemple, certaines rues attirent de nombreux groupes et badauds, occasionnant des ralentissements et concerts de klaxon. Pourquoi ne pas établir, pour la fin de journée, un périmètre piéton autour des lieux les plus fréquentés?

Paris, 14 juillet 2017, en attendant le feu d’artifice. La foule déborde des trottoirs, mais la circulation n’est pas interrompue.

La malédiction du 14 juillet. Tous les 14 juillet, en soirée, la foule se presse au sommet du parc de Belleville, car on y jouit d’une vue imprenable sur la Tour Eiffel et le feu d’artifice. Les trottoirs débordent de piétons, mais la circulation motorisée se poursuit comme si de rien n’était, les scooters se fraient un chemin parmi la foule à coups de vrombissements, les conducteurs s’impatientent.

Changer la ville en l’observant. En général, vers 22h30, au moment où il commence à faire nuit et où la situation se tend, une ou deux voitures de police se positionnent enfin pour bloquer le trafic. Pourquoi attendre cette heure tardive? Pourquoi ne pas profiter de cette date et de cet événement, hautement prévisibles, pour transformer le quartier en périmètre piétonnier, le temps d’une soirée? Pour changer la ville, il faut d’abord l’observer.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

Et une dernière photo. Certains particuliers n’hésitent pas à profiter des jours de marché pour stationner leur véhicule en travers des pistes cyclables.

 

 

 

 

Paris: dix chiffres qui montrent comment la ville change

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L’usage du vélo a fortement augmenté, telle est la principale évolution du bilan des déplacements de Paris en 2020.

2020, année zéro. Publié en décembre 2021, le bilan des déplacements de la ville de Paris pour 2020 offre un premier regard documenté sur la mobilité en cette année exceptionnelle, faite de confinements, couvre-feux, restrictions de circulation, sans oublier la queue de comète des grèves à la RATP et à la SNCF, qui privèrent les Franciliens de transports publics pendant un mois et demi.

Le bilan chiffré, disponible ici, se limite certes à la capitale, ses 2 millions d’habitants et ses 4 à 5 millions d’usagers quotidiens. Ce document, provisoire, ne porte en outre que sur la mobilité individuelle, et, contrairement aux autres années, ne traite pas les transports publics. Le bilan parisien présente toutefois des enseignements qui peuvent être transposés, toutes choses égales par ailleurs, dans les structures urbaines denses, grandes villes ou proche banlieue parisienne. En ce mois de janvier 2022, avec un peu de recul, peut-on considérer que cette fameuse année 2020 était le début d’une nouvelle ère? En attendant, voici dix chiffres qui montrent comment la ville change.

La vitesse automobile reste très basse, à peine 13km/h.

Auto. 13,4 km/h. C’est la vitesse moyenne de la circulation automobile entre 7h et 21h.

Vous trouvez que ce n’est pas beaucoup? Ce chiffre a pourtant augmenté de plus d’un point entre 2019 et 2020, retrouvant son niveau de 2018. Deux explications: les grèves dans les transports, fin 2019, avaient ralenti le trafic. A l’inverse, lors des confinements, les automobilistes, moins nombreux, roulaient plus vite, comme le confirment les chiffres pour avril, mai, novembre et décembre 2020. La vitesse sur le boulevard périphérique a bondi de 34,4 km/h à 40,5 km/h de 2019 à 2020.

Autos. 460000. Le nombre de voitures immatriculées à Paris en état de circuler.

Elles ne roulent pas toutes tous les jours, loin de là. Leur nombre diminue régulièrement, mais il s’en immatricule chaque année tout de même une bonne centaine de milliers, dont plus de la moitié d’occasion. Une voiture, plus d’une tonne de métaux et de plastiques, est un objet dont les consommateurs aiment changer. Presque un objet jetable.

Après avoir augmenté jusqu’en 2012, l’usage des deux-roues motorisés est désormais inférieur à ce qu’il était en 1997.

Scooters. 0,97. Le niveau de l’indice d’évolution annuel du nombre de deux-roues motorisés, dont la valeur de référence est fixée en 1997.

En clair, on compte aujourd’hui moins de motos et scooters dans Paris qu’il y a 25 ans. On peut tout de même observer que ces engins sont plus puissants et plus volumineux que ceux de la fin du siècle dernier.

Les plus fortes diminutions sont constatées dans les secteurs désormais réservés aux riverains, comme la rue de Rivoli ou les rives du canal Saint-Martin. Par ailleurs, le nombre de places dévolues aux deux-roues motorisés a presque doublé depuis 2011. Ces emplacements, qui devaient initialement devenir payants en janvier 2022, le seront finalement en septembre, a promis la ville.

Lire aussi: 92% des conducteurs de deux-roues motorisés sont des hommes (septembre 2018)

Pistes. 52 km. La longueur des pistes cyclables provisoires (aussi appelées « coronapistes ») créées au printemps 2020.

Beaucoup, pas beaucoup? Pas tant que ça. La ville a matérialisé, toujours en 2020, 56 kilomètres d’axes cyclables définitifs, en majorité des double-sens cyclables. Au total, les aménagements destinés au vélo atteignaient 1093 kilomètres fin 2020, contre 742 en 2015 et 293 en 2004. Sur ces itinéraires, plus de 60000 infractions pour stationnement illégal ou circulation motorisée ont été relevées.

Forte progression de l’usage du vélo depuis 1997.

Vélo. +60%. C’est la progression du nombre de trajets à vélo, d’après les compteurs disposés dans la ville.

Un chiffre à rapprocher de la hausse de 30% de l’usage du vélo, pour toute la France, relevée par l’association d’élus Vélo et territoires. Paris double ainsi la progression par rapport au reste du pays, et la pratique du vélo y a été multipliée par 5,44 depuis 1997. En 2020, on a pédalé presque autant en novembre qu’en mai, et presque autant en janvier qu’en juillet. Les confinements ont certes brouillé les pistes, mais cela confirme que les cyclistes s’accommodent aussi de la pluie, du vent et de la nuit.

Le bilan s’attarde peu sur la marche, mais il apparaît que celle-ci a été bien plus pratiquée en 2020, hors confinements, que les années précédentes.

Vélib’. 26%. La proportion des Vélib’ dans le trafic cyclable.

Malgré une hausse de 54% des locations en 2020, le vélo en libre-service ne représente plus qu’un gros quart des bicyclettes en circulation. Cette proportion était de 40% à l’époque du « Vélib’ 1 » administré par l’opérateur JCDecaux. Les difficultés de son successeur Smovengo expliquent cette proportion, mais pas seulement. Les usagers se sont rendus compte que, lorsqu’on pédale régulièrement, le plus pratique est de disposer de son vélo personnel.

Victimes. 5350. Le nombre de victimes d’accidents de la route.

Le chiffre diminue presque continûment depuis 2007. En revanche, en 2020, la baisse a été moins nette à Paris (-16%) que dans le reste de la France (-20%).

Le deux-roues motorisé demeure, de loin, le mode le plus dangereux.

Danger. 39,6%. La proportion des usagers de deux-roues motorisé (scooters et motos) dans les victimes d’accidents de la route

Au total, ce sont, soit 2118 personnes sur 5350 victimes. Pourtant, « ils ne représentent que 17% du trafic », observe la ville de Paris. En ville, il s’agit, de loin, du mode de déplacement le plus dangereux. Selon le bilan des déplacements, il n’y a eu aucun décès à trottinette à Paris en 2020.

Paradoxe. 8. Le nombre de personnes tuées dans un accident de la route alors qu’elles circulaient à vélo.

C’est le double de 2019. Si l’on tient compte des 42 blessés graves, le nombre des tués et accidentés gravement à vélo progresse de 37% par rapport à 2019. C’est beaucoup, même si, dans le même temps, l’usage du vélo a progressé de 60%. Les cyclistes sont-ils casse-cou? Certains d’entre eux, assurément. Mais la plupart du temps, le danger vient d’ailleurs. Beaucoup d’aménagements sont mal conçus, comme le remarque Stein van Oosteren dans la vidéo ci-dessous, réalisée place d’Alésia (14e).

 

Pollution. 14. Le nombre de jours où la pollution a dépassé le pic d’alerte.

Ce chiffre est relativement stable depuis 2014. Plus généralement, la concentration en particules fines a tendance à baisser depuis une quinzaine d’années, résultat des politiques visant à limiter l’usage de la voiture, mais surtout du remplacement régulier des véhicules anciens. La ville de Paris remarque toutefois que les seuils de pollution aux particules fines sont encore largement dépassés à proximité des axes routiers.

Vélos vs. terrasse.

Enseignements. Le bilan des déplacements à Paris pour 2020 révèle révèle à la fois un choc majeur et une remarquable continuité. Le choc majeur résulte de l’énorme progression des modes de déplacement « actifs » (ceux qui mobilisent le corps), vélo et marche. Les usagers ont, littéralement, voté avec leurs pieds. Mais 2020 montre aussi une remarquable continuité : selon les indicateurs disponibles, la transformation de la ville se poursuit au même rythme que les années précédentes. L’usage de la voiture, les accidents, la pollution, baissent progressivement, sans à-coup. Et les aménagements destinés aux cyclistes et aux piétons progressent également, sans à-coup non plus. La ville change, lentement, mais sûrement.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

 

 

 

 

 


Macron vs. Le Pen, en voiture tout le monde!

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Matériel électoral, composition.

Deux fois, lors du débat télévisé du 20 avril, la candidate Le Pen a évoqué les transports publics. D’abord pour déplorer qu’on ne trouve pas de transports, à la campagne, lorsqu’on doit se rendre chez le médecin. Ensuite pour proposer la gratuité des trains pour les jeunes, « y compris des grandes lignes », mais « aux heures creuses ». Le candidat Macron n’a pas parlé des transports publics.

Autrement dit, la mobilité collective n’est citée dans un débat présidentiel que pour se plaindre de son insuffisance, ou pour proposer démagogiquement sa « gratuité », ce que les usagers ne demandent pas et qui n’a de toute façon qu’un effet limité sur la fréquentation, compte tenu de l’extraordinaire efficacité et du coût limité, pour l’automobiliste, du système routier. Et personne n’a rappelé le rôle essentiel des collectivités locales en la matière.

« On siphonne les réservoirs ». Dès lors, quand ils ont évoqué la mobilité, les candidats ont surtout parlé de voiture. Le vocabulaire du transport motorisé individuel a jalonné, à intervalles réguliers, les trois heures de débat. La candidate d’extrême droite a dénoncé, dès les premières minutes, le « prix de l’essence ». Plus tard, elle taclait les zones à faibles émissions (ZFE), sans les nommer: « L’écologie punitive qui interdit d’aller dans les grandes villes« . Lorsqu’elle s’est lâchée sur l’insécurité, « cette vraie barbarie, ce vrai ensauvagement », le premier exemple qui lui est venu à l’esprit, c’est « on siphonne des réservoirs ». Horreur. « Les gens tremblent ».

Panneaux électoraux à Wimereux (Pas-de-Calais), en avril 2022.

« Mobylette ». A un moment, sans que l’on sache trop pourquoi, elle s’est penchée sur le sort de « ces gens qui vont sur leur mobylette, avec beaucoup de courage, je dois dire, porter des repas ». En oubliant sans doute qu’une bonne partie de ces livreurs, domestiques contemporains, sont de jeunes réfugiés récents, sans papiers. Le Pen père a dû se retourner dans sa grenouillère. Même pour défendre son prêt auprès d’une banque russe controversée, la candidate a répliqué que « des Français ont contracté des prêts pour acheter des voitures ».

Course au lithium. Son adversaire, lui, préfère le terme « véhicule », pour rappeler sa proposition d’achat d’une voiture électrique en leasing. Sans jamais évoquer le coût du tout-électrique en énergie ni la course au lithium qui défigure des régions entières. Quoi qu’il en coûte, toujours. Gérard Majax va avoir du boulot.

En 2022, urgence écologique ou non, raréfaction des ressources ou pas, biodiversité menacée mais tant pis, l’univers automobile marque l’imaginaire des candidats, alors même que les usages réels ont déjà changé. La voiture pour tous, tout le temps, voici l’horizon. Et si elle pollue, on en change.

Débat local. Cela ne vous rappelle rien? En fait, ce débat a déjà eu lieu. A de nombreuses reprises. A d’autres niveaux. Lors des échanges qui précèdent une élection municipale ou régionale, quand il est question de transports, il y a toujours un candidat qui assène « on ne peut pas faire autrement », « il ne faut pas opposer les modes », tandis que son adversaire ne jure que par la technologie rédemptrice. En général, une fois l’élection passée, le candidat qui a gagné se rend compte des limites du tout-voiture et de la technologie. Et il met en place, à bas bruit, une politique pragmatique, faite de transports publics, de stationnement rationalisé, de trottoirs élargis et de pistes cyclables.

C’est, avec un bémol compte tenu des compétences limitées du président de la République en matière de mobilité, tout ce que l’on peut souhaiter à la France.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

 

 

 

 

 

Les glacières avachies, symboles de la livraison de repas à domicile

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Heure de pause pour le transport de repas. Paris, mai 22.

A force d’être transportés sur le dos, posés sur un porte-bagage de scooter pétaradant dans le trafic, ou serrés entre les jambes du livreur à même le plancher du véhicule, les sacs vert pomme de Deliveroo et les glacières violettes de Picard ont perdu leur forme et leur couleur.  Fatiguées, avachies, traînées d’un restaurant à l’autre, les glacières arborent des traces noirâtres, des fermetures éclair cassées et des anses décrochées. Au point que la meilleure manière de se dégoûter durablement du caprice consistant à se faire livrer ses repas par un domestique contemporain, consiste sans doute à observer les sacs dans lesquels ils sont transportés.

Comment se déplacent les livreurs. Ces sacs isothermes font désormais partie du paysage urbain et sont aussi la meilleure manière de repérer les livreurs, leurs véhicules, leurs habitudes. J’ai observé ces pratiques en me postant, à plusieurs reprises, dans plusieurs quartiers de l’est parisien. J’ai compté au total 369 livreurs alimentaires, identifiables à leur symbole le plus visible: le sac.

Selon une image répandue, les livreurs de repas se déplaceraient encore à vélo. C’est aussi l’image que tentent de populariser les sociétés de livraison. Chez Just Eat, qui tutoie le futur livreur, comme chez Uber Eats, qui le vouvoie, « seuls les vélos sont autorisés ». Leur concurrent Deliveroo précise « scooter et vélo, y compris à assistance électrique », mais sur le site, ce sont le plus souvent des vélos qui sont représentés, en dessin ou en photo. S’agit-il de flatter la vague conscience écologique des clients?

Les livreurs Uber Eats se déplacent en principe à vélo.

66% en scooter. Car à Paris, selon mes observations, 243 sur 369, soit 65,9% des usagers de la voirie munis de glacières, se déplacent en scooter. Les autres utilisent un vélo. Je n’en ai vu qu’un seul en trottinette et il est peu probable que certains roulent une voiture à Paris, mais c’est en revanche courant dans les quartiers périurbains. Dans une voie piétonne, la rue Montorgueil, la plupart des livreurs sont à vélo, mais ils sont aussi moins nombreux que sur d’autres axes plus routiers.

Scooter bas-de-gamme. Le scooter est presque systématiquement un modèle bas-de-gamme, un 50 centimètres cube vendu un peu plus de 1000 euros, de marque Peugeot, Kymco ou Santana, et ne nécessitant pas de permis. Les engins sont reconnaissables au seul bruit qu’ils émettent, une sorte de ronflement strident. Aucun des livreurs de repas que j’ai vus ne se déplace en coûteux scooter à trois roues, ni en scooter électrique, ni en moto.

Des hommes qui se déplacent seuls. L’immense majorité des livreurs se déplacent seuls, contrairement aux autres usagers des deux-roues motorisés qui peuvent être deux sur le siège, surtout le soir ou le week-end. Certains transportent deux sacs, l’un sur le porte-bagages, l’autre entre les jambes. Pour autant que je puisse en juger, tous sont des hommes. Pourquoi des hommes? Je tente une explication parmi d’autres. Nous vivons dans une société très genrée, où depuis la plus tendre enfance, on répète aux gens que telle activité serait « masculine » et telle autre « féminine ». C’est encore plus vrai dans les pays pauvres, d’où viennent la plupart des livreurs, et où le transport de personnes comme de marchandises est considéré à la fois comme ouvert sur l’extérieur et dangereux, donc « masculin ».

Dans les grandes villes, on le sait désormais, la masse des scooters pollue; certains font des pointes de vitesse, empruntent les trottoirs, les voies de bus et les pistes cyclables, et y stationnent. De nombreux restaurants refusent d’ailleurs que les livreurs se garent devant leur devanture, car cela ferait fuir les clients.

L’heure du repas. Paris, mai 22.

Un Paris super polluant et ultra-libéral. Étonnamment, la municipalité de Paris, qui prétend agir pour l’écologie et se soucier de justice sociale, a laissé se développer sans la moindre régulation ce système de livraison de repas super polluant et ultra-libéral. Car aucune contrainte réelle ne pèse sur les déplacements à scooter, et les plateformes de livraison profitent de cette lacune. La ville de Paris finance tout de même une « maison des coursiers », lieu de repos pour les livreurs.

Je dois également préciser que les livreurs en scooter, en comparaison avec d’autres catégories d’usagers de deux-roues motorisés, ne m’ont pas semblé les plus dangereux. Contrairement aux hommes bien installés dans la vie qui se déplacent en trois-roues, ou aux propriétaires de moto, les livreurs de glacières ne font pas vrombir leur engin dès qu’un feu passe au vert. Ils jouent moins de leur puissance et de la crainte qu’inspire leur machine pour impressionner les cyclistes ou les piétons qui se trouveraient sur leur passage. Lorsque les livreurs roulent vite, c’est avant tout parce que la configuration de la voirie le leur permet.

Lire aussi: 92% des conducteurs de deux-roues motorisés sont des hommes (septembre 2018)

En ville, les accros à l’e-commerce sont aussi les plus attachés à leur voiture (novembre 2018)

Prudence et précarité. Cette relative prudence s’explique par leur précarité, même si certaines plateformes ont annoncé de meilleures conditions de travail. Comme les taxis, les livreurs cherchent à optimiser leurs trajets, à économiser le carburant. Ils sont surveillés en permanence. En outre, nombre d’entre eux sont étrangers, voire sans-papiers, et savent que la moindre infraction peut leur coûter cher. Ceux qui se déplacent à vélo évitent eux aussi les infractions les plus manifestes et les prises de risque majeures, au contraire des pratiques de certains autres cyclistes, mieux insérés dans la société.

Swapfiets, service apprécié des livreurs. Paris, mai 22.

29% de vélos à assistance électrique. La plupart des vélos transportant des glacières sont dotés d’une assistance électrique. Les 125 vélos observés (33,9%) se répartissent ainsi:

Vélos classiques 5%

Véligos de la région Ile-de-France (qu’il est possible de louer pour quelques mois), 15%

Swapfiets, un système de location comparable au Véligo, mais privé, 6%

Autres vélos à assistance électrique, 8%.

La glacière Deliveroo a vécu. Paris, mai 22.

Usage généralisé du Véligo. J’ai également compté le nombre total de Véligos en circulation. Résultat: 58% des Véligos observés dans la ville sont utilisés par des livreurs. Attention, ce chiffre est trompeur. D’abord il ne concerne que Paris. Ensuite, par définition, les livreurs effectuent bien plus de trajets que la moyenne des usagers, qui se contentent des déplacements usuels, pour le travail ou les loisirs. Il est donc logique de voir davantage de « véligolivreurs » dans les rues.

Lee usagers de Véligo n’ont en principe pas le droit de l’utiliser pour livrer. Paris, mai 22.

Véligo en principe interdit. Il n’en reste pas moins qu’en principe, l’usage d’un Véligo pour la livraison est interdit. C’est le souhait de Valérie Pécresse, présidente de la région, et il a été répété à plusieurs reprises, sans effet. Il y a quelques mois, le service Véligo avait annoncé un « contrôle des distances parcourues et du nombre de trajets effectués par vélo« , afin de couper l’abonnement des livreurs. Manifestement, cela ne fonctionne pas.

Enfin, sans surprise, seul deux livreurs que j’ai observé se déplacent à Vélib’. Aucun n’a choisi un service tel que les vélos Lyme ou les scooters Cityscoot ou Cooltra. Ces services leur coûteraient trop cher. A force de transporter d’un restaurant à l’autre sa vieille glacière, dans laquelle attend votre burger, le livreur est devenu un acteur économique rationnel.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

PS: à lire aussi, cette enquête menée en 2018 sur le marché de la livraison de repas, par des universitaires.

Bon appétit! Paris, mai 22.

 





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