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Channel: Moto & scooter – L'interconnexion n'est plus assurée
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La moto, vélo à moteur ou voiture à deux roues ?

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"Voyez mes roues, je suis un vélo. Voyez mon moteur, je suis une auto". Les deux-roues motorisés jouent sur deux tableaux. Facile comme un vélo, rapide comme une voiture, le scooter est devenu un moyen de déplacement commode dans les villes denses et encombrées. A Paris et dans les communes limitrophes, ainsi que dans le Midi, les cadres pressés l'ont adopté. Sur une moto ou un scooter, on se joue sans effort du trafic et des bouchons. Une fois arrivé à destination, nul besoin de chercher une place ni de payer son stationnement. Il suffit de se garer sur le trottoir.

Tout à leur obsession de circuler sans encombre, les conducteurs des deux-roues motorisés se présentent parfois comme des cyclistes et aimeraient à d'autres moments être assimilés à des automobilistes. Examen totalement subjectif des arguments qui les classent dans l'une ou dans l'autre catégorie.

(Des victimes) comme les vélos. Les scooters et les motos n'ont que deux (ou trois) roues et se faufilent partout. Les motards, nouveaux-venus dans la circulation urbaine, considèrent leur mode déplacement comme habile et logique. Difficile, selon eux, de trouver plus malin. Après tout, "le deux roues motorisé n'est pas un problème, c'est une solution", proclame sur son site la Fédération française des motards en colère (FFMC), qui représente les usagers. Mieux : les motos seraient "propres", un peu comme des vélos, car elles consomment moins de carburant que les autos.

Dans la jungle urbaine, les motards se considèrent comme des victimes du tout-voiture, exactement comme les cyclistes. Ils se révèlent tout aussi râleurs que ces derniers, jamais contents de la place que leur accordent les politiques publiques. La FFMC réclame ainsi une révision du code de la route, afin que les deux-roues motorisés puissent légalement remonter les files de voitures dans les embouteillages. Ce "remonte-file" est un peu l'équivalent du "double-sens" ou du "tourne-à-droite" pour le cycliste. Et puis, à moto comme à vélo, on prend la pluie, on subit le froid et il faut en conséquence choisir ses vêtements en fonction de la météo du jour. Voilà qui autorise les motards à protester contre les automobilistes bien au chaud dans leur habitacle.

Se prendre pour un cycliste. A force de s'identifier aux cyclistes, les motards adoptent certains de leurs comportements. On en voit emprunter sans vergogne les pistes cyclables et les "double-sens", ces sens interdits où sont autorisés les vélos. De même, les motards refusent absolument de payer leur stationnement. "C'est contraire à notre mentalité", affirme Frédéric Jeorge, de la FFMC, cité récemment dans cet article du Monde.

(Des prédateurs) comme les voitures. Les motos et scooters sont équipés d'un moteur qui leur permet de rouler vite et de montrer qui est le maître sur le goudron. Pour cela, ils doivent acheter de l'essence et protestent régulièrement contre l'augmentation des prix. Pour cette même raison, les motos et scooters devraient prochainement, si l'on en croit les constructeurs, adopter la propulsion électrique. Légalement immatriculés, ces véhicules peuvent être verbalisés, sur la route mais aussi lorsqu'ils sont mal garés. Leurs propriétaires entonnent alors volontiers la complainte de la "vache-à-lait" subissant les impératifs budgétaires du gouvernement en place.

Comme les automobilistes, les motards peuvent écouter la radio ou fumer en conduisant. En revanche, il leur est strictement interdit de téléphoner en roulant ou de boire plus que de raison avant de conduire, alors que personne ne se soucie de l'alcoolémie des cyclistes. Passionnés par leur machine, dont ils connaissent les marques, les modèles et la mécanique (en sachant par exemple distinguer une moto d'un scooter...), les motards sont aussi sportifs. Enfin bon, ils se rendent à la salle de gym sur leur engin. Résultat : ils sont gras, un peu comme les automobilistes, alors que, comme chacun sait, les cyclistes sont sexy... Enfin, certains motards se laissent aller à l'invective. Qu'un vélo traîne un peu trop ou qu'un piéton les retarde, et ils n'hésitent pas à user d'un vocabulaire très automobile : "connard, vas te faire... Vrooom!"

Se prendre pour un automobiliste. Les conducteurs de scooter aimeraient être considérés comme des automobilistes dans certaines occasions. Pour pouvoir rouler sur une autoroute, par exemple. Ou pour forcer ces "c..." de cyclistes à porter un casque.

Alors, une moto est-elle un vélo à moteur ou une voiture à deux (ou trois) roues ? Demandez à un automobiliste : il vous répondra "vélo". Interrogez un cycliste et il dira "voiture".


Fillon sur un scooter à Capri, un accident normal

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Un homme, qui circulait en plein jour et par beau temps. Freinage mal anticipé, dérapage contre la barrière de sécurité, le scooter qui bascule et qui écrase le pied. C'est que c'est lourd, ces trucs-là. L'accident de scooter de François Fillon sur l'île italienne de Capri, dimanche 29 juillet, n'est pas un accident bête, dû au hasard ou à de malheureuses circonstances. Au contraire, il s'agit d'un accident très classique, imputable à la vitesse.

Les chiffres de l'association Prévention routière sont formels. En France, les conducteurs de deux roues motorisés constituent 18% des blessés, mais aussi 18% des tués. Les statistiques de la mortalité routière montrent que les conducteurs n'ont souvent à s'en prendre qu'à eux-mêmes. 68% des accidents mortels ont lieu de jour, 61% en rase campagne, 81% hors intersection. Exactement les conditions dans lesquelles l'ancien premier ministre s'est blessé dimanche. Tout est dit dans cette vidéo, commentée ici :

La part des hommes. Enfin, 94% des tués en moto sont des hommes. "Ils conduisent davantage que les femmes, pour de plus longues distances", plaide Frédéric Jeorge, de la Fédération française des motards en colère. On veut bien le croire. Mais quand même : 94% !

L'Istat, l'institut italien des statistiques, apporte des précisions intéressantes. En Italie, le jour le plus dangereux s'avère être le dimanche. Les motards sont victimes de 13% des accidents mortels, soit cinq points de moins qu'en France. Peut-être portent-ils une attention plus soutenue aux virages secs et aux nids de poule qui parsèment les routes de la péninsule ? (NB : la mia nonna era italiana, ho cugini napoletani, posso fare qualche scherzo sulle strade italiane. Grazie)

Absorbé par le bleu de la mer. Quoi qu'il en soit, M. Fillon, sur son motorino, comme on appelle les scooters en Italie, roulait trop vite. Le député de Paris circulait, dimanche, sur la route qui relie le village de Capri à la localité d'Anacapri, l'un de ses enfants assis derrière lui, comme le rapporte Capripress (en italien). Cette route est superbe. On domine le port de Marina Grande, celui où accostent les bateaux venus de Naples, on respire les essences méditerranéennes, on est absorbé par le bleu de la mer. Mais la voie est tortueuse, parsemée de nombreux virages en épingle à cheveu. Ben oui, un scooter, c'est comme une voiture, c'est dangereux.

Et puisque maintenant, c'est malin, tout le monde l'a en tête :

 

 

Marseille, la vraie galère des transports

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Curieusement, c'est confortablement installé dans un quartier chic de Paris que le gouvernement a choisi, ce jeudi 6 septembre à 17h, de se pencher au chevet de Marseille. L'hôtel Matignon, où se réunissent six ministres autour de Jean-Marc Ayrault, est situé dans le 7ème arrondissement de la capitale, desservi par un réseau de métro efficace et plusieurs lignes de bus disposant de voies protégées. Sur les trottoirs, surveillés à longueur de journée par des gardiens de la paix, ne se gare nul véhicule, sauf parfois une voiture officielle. Dans ce cas, les parents du quartier, outrés de devoir descendre sur la chaussée alors qu'ils sont chargés d'une poussette, écrivent immédiatement un courrier rageur au ministère concerné, avec copie aux journalistes de leur connaissance.

Cela ne se passe pas du tout comme ça dans la plupart des quartiers de Marseille, inutile de le dire. La deuxième commune et troisième agglomération de France demeure la ville maudite de la République. Elle est meurtrie, mal-aimée mais aussi jalousée. Une ville à part. On redoute les tueries mais on loue la cordialité des rapports sociaux. On s'offusque des injures proférées en pleine rue mais on se délecte de la manière de choisir son vocabulaire. On s'agace de la saleté mais on admire la beauté des paysages. Les Marseillais eux-mêmes ne cessent de dénoncer ces maux, et courent à la défense de leur ville lorsqu'un "estranger" se pique de la critiquer, surtout s'il est Parisien.

"Désengorger". Parmi les problèmes de Marseille, bien au-delà des règlements de compte, figurent les transports. Comment se rendre au travail sans pouvoir se déplacer d'un quartier à l'autre ? Patrick Mennucci, député socialiste des Bouches-du-Rhône et candidat possible à la mairie contre le sortant Jean-Claude Gaudin, a réclamé, ce jeudi 6 septembre, sur France-Inter, à la fois l'achèvement du contournement autoroutier (censé "désengorger" la ville) et des transports publics efficaces.

Il se trouve que je viens de passer trois semaines et demie à Marseille. Je connaissais la ville et je l'aime depuis longtemps. J'ai vécu non loin de l'opéra et du Vieux-port, dans un appartement loué. Je me suis déplacé dans différents quartiers, pour rendre visite à des amis, me baigner, me balader ou simplement découvrir des rues que je ne connaissais pas. Assez vite, je me suis senti chez moi.

Désorganisation. J'ai circulé en bus, en train, à pied, en bateau et en voiture. A une autre occasion, j'avais pu tester le service de vélo partagé, appelé "Le vélo". J'ai pu constater que l'organisation, si on peut utiliser ce mot, des transports à Marseille, laisse complètement à désirer. J'en avais déjà fait état ici, dans un article consacré à la navette maritime. Le réseau ferré demeure limité à deux lignes de métro et deux lignes de tramway. Curieusement, pour descendre dans une bouche de métro, il faut parfois monter quelques marches. Pas très pratique pour les personnes se déplaçant avec une poussette ou un fauteuil ! Les bus, 80 lignes pour l'ensemble de la ville, sont sans cesse bloqués par des voitures stationnées en double file et les embouteillages. La marche à pied est entravée par toutes sortes d'objets :  les motos et scooters, les poubelles et même les voitures, garées n'importe où.

Plus généralement, à Marseille, la voiture est considérée comme prioritaire partout, tout le temps. Les trottoirs sont étroits et parfois bordés de plots, censés empêcher le stationnement mais qui limitent singulièrement la progression du piéton. Une voiture se présente-t-elle au bout d'une rue, même piétonne ? Les personnes qui circulent à pied s'écartent docilement, pour laisser passer le bolide. Or, comment peut-on développer une économie de quartier, des magasins de proximité, s'il est impossible de circuler à pied ?

Cyclistes, la permission de minuit ! A Marseille, il y a encore quelques années, le métro ne circulait pas, en semaine, au-delà de 21h30. Depuis février 2008, le service est assuré jusqu'à 22h30. Cela n'incite toutefois pas les employés qui travaillent tard, ni ceux qui sortent le soir, à emprunter les transports publics. La même punition a curieusement été infligée au service de vélos. Marseille est aujourd'hui la seule ville de France où le vélo partagé cesse de fonctionner de minuit à 6 heures, si l'on en croit Olivier Richard, du Centre d'études techniques de l'équipement de Lyon. Partout ailleurs, en France, on peut utiliser les cycles toute la nuit. La rumeur publique raconte qu'il ne s'agirait pas de fâcher les bienheureux taxis...

"Le vélo" présente une autre particularité. On ne trouve des stations que dans le centre et les quartiers sud de la ville. Pas une seule station dans les fameux quartiers nord, les plus déshérités. Comment leurs habitants ne se sentiraient pas mis à l'écart ? J'ai essayé d'en savoir plus en interviewant un responsable de Marseille Provence métropole, la communauté urbaine, en charge du service. On m'a promis il y a trois semaines que l'on transmettait la demande, un responsable m'a brièvement appelé une semaine plus tard pour me dire...qu'il me rappellerait. J'ai tenté plusieurs fois de le joindre, en vain. Marseille envisagerait-elle, comme l'a fait Aix-en-Provence, d'abandonner le service, coûteux et peu utilisé ?

Bus gratuit ? A part ça, les chauffeurs de bus sont charmants. Un couple d'amis parisiens venu me rendre visite en a fait l'expérience. Coiffés des chapeaux de paille qu'achètent tous les touristes dans l'heure qui suit leur débarquement sur la Canebière, ils ont demandé leur chemin au conducteur d'un bus qui a aimablement lié la conversation. "Au cours du trajet, nous avons demandé combien nous lui devions pour les tickets. Il nous a répondu que ce n'était pas la peine de payer".

Pour en savoir plus :

Le site de la Régie des transports de Marseille : rtm.fr

Le site de "Le vélo": levelo-mpm.fr

Et en bonus, cette photo !

A moto, la vitesse tue (film)

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Ceci est un film publié par une agence australienne qui met en garde contre la vitesse, facteur de mortalité à moto. A 60 km/h, d'après ces spécialistes, on évite l'obstacle. A 68 km/h, voyez le résultat.

PS : davantage de développements plus tard. Suite à une erreur de manipulation, j'ai publié un post sans le vouloir. Voilà pourquoi cet articulet en forme de mire. Vivement que WordPress demande une confirmation avant publication...

 

Pour l’Insee, les déplacements à vélo n’existent pas

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Les recensements servent à quelque chose. C'est le message que l'Institut national des statistiques, l'Insee, veut faire passer en diffusant, ce 15 janvier, des résultats inédits sur les trajets quotidiens des personnes vivant en France. L'enquête 2013, qui démarre ce jeudi 17 janvier et se terminera le 23 février, concerne 9 millions de personnes vivant dans 8099 communes différentes. Au moment où les chiffres de l'Insee sont contestés (ici un article de Slate.fr sur ce thème et, du même auteur, une tribune d'un géographe dans Le Nouvelobs.com qui remet en cause la "victoire démographique" de la France), mieux vaut que les habitants recensés aient une bonne image des statistiques en général et de l'Insee en particulier.

73% d'automobilistes. Depuis 2009, la collecte annuelle des informations, qui touche chaque année un cinquième de la population, porte notamment sur les trajets entre domicile et travail. Les formulaires, distribués dans chaque foyer, comportent une question sur le lieu de travail et une autre sur le mode de déplacement utilisé pour s'y rendre. Ce mardi, les statisticiens ont révélé que 73% des trajets se font "en voiture, camion, fourgonnette", pour 14,9% des déplacements en transports en commun, 7,9% à pied et 4,2% en "deux-roues". En Ile-de-France, une région qui se distingue beaucoup des autres sur ce plan (et pas seulement), les proportions sont respectivement de 43,7% pour l'auto, 43,9% pour les transports collectifs, 7,8% pour la marche et 4,6% pour les "deux-roues". Les détails, et les chiffres région par région, sont disponibles sur le site de l'Insee, ici.

Il manque une case. Les deux-roues, mais encore ? S'agit-il des vélos ou des motos ? On ne saura pas. L'Insee ne distingue pas les uns des autres. Sur le "bulletin individuel" qu'ils sont invités à remplir, les recensés peuvent choisir entre les cinq moyens de transport précités. On peut cocher la case "deux-roues", sans précision. En outre, les personnes recensées ne peuvent choisir qu'un seul mode de déplacement. Tant pis pour ceux qui prennent leur voiture pour se rendre à la gare, ou pour ceux qui combinent vélo et tramway. Un peu faible pour qui souhaiterait exploiter ces statistiques.

Vélo et moto ne constituent pourtant pas le même objet, même si la moto se présente tantôt comme un vélo à moteur, tantôt comme une moto à deux roues... On ne saura donc pas (en tous cas pas grâce à l'Insee) si la proportion de cyclistes augmente autant que celle des motoristes, comme le dit le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) dans cette étude. Pour les élus locaux, qui aiment s'appuyer sur des études fiables pour faire des choix, le développement de l'un ou l'autre ne se traduisent pas par les mêmes aménagements. Les distances parcourues par un vélo et par une moto ne sont pas les mêmes, les infrastructures de stationnement pas identiques, l'accidentologie non plus... En clair, 4% de motards ou 4% de cyclistes n'impliquent pas la même politique urbaine.

Les questionnaires ont dix ans de retard. Pourquoi cette carence? Croyez-le ou non, c'est parce que le questionnaire n'a pas été modifié depuis dix ans. "Nous avons conçu les bulletins au début des années 2000. A l'époque, il n'avait pas été jugé nécessaire de distinguer les deux modes", explique François Clanché, chef du département de la démographie à l'Insee. Les statisticiens sont régulièrement confrontés aux interrogations des recensés. "Il est prévu de faire évoluer le questionnaire", affirme M. Clanché, qui ne veut toutefois pas promettre que la distinction entre les trajets à vélo et à moto sera possible dès l'an prochain. "Tout allongement du questionnaire doit être pris en compte", précise-t-il. En clair, plus la fiche à remplir est longue, plus les agents enquêteurs risquent de se heurter à un refus. Pour savoir s'il vaut mieux prévoir des pistes cyclables ou des places de stationnement pour les scooters, on attendra donc encore un peu.

Sur la neige, vous êtes plutôt luge ou moto?

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L’hiver touche à sa fin, mais il neige encore. Et les vacances du même nom viennent à peine de commencer. Sur le manteau blanc et glissant, on ne se déplace pas toujours avec aisance. Le pas hésite, la roue dérape. Dans les pays où l’hiver est vraiment une saison, le patin s’est imposé comme une évidence, qu’il prenne la forme d’un ski, d’un traîneau ou d’une luge. En Norvège, le "spark" (rien à voir avec le modèle du constructeur Chevrolet qui porte ce nom), mi-luge, mi-trottinette, supplée le ski, destiné aux longues échappées.

Dans les villages, dans les petites villes, pour les courtes distances, ce drôle d’objet a encore toute sa place. Formé d’une petite chaise en bois, d’un portant sur lequel on s’appuie et de deux longs patins, le spark permet de cheminer avec souplesse sur la neige et même sur le verglas. L’idée ne date pas d’hier. "Autrefois, ce sont des os d’animaux qui servaient de patins", explique le journaliste norvégien Roy Myrland, que j’ai aidé à réaliser ce petit reportage (en norvégien, mais avec des photos).

Déambulateur. Dans la bourgade de Kirkenes, à l’extrême nord de la Norvège, on aperçoit une nuée de sparks devant les supermarchés, les boutiques, les cafés. Les habitants abandonnent leur luge sur la neige, la plupart du temps sans l’attacher, le temps de faire une course ou de boire un verre. La plupart des personnes qui l’utilisent sont des femmes, plus sexagénaires que teenagers. La technique s’apprend vite. Un pied solidement posé sur l’un des patins, le "sparker" se sert de son autre talon pour pousser. Sur un terrain plat, le spark permet d’aller un peu plus vite qu’à pied, en toute stabilité. On peut l’apparenter à la "Laufmaschine" (machine à courir), ancêtre du vélo inventé en 1817 par le baron badois Karl von Drais. En montée, il faut user du spark comme d’un déambulateur. C’est dans les descentes que c’est le plus drôle, évidemment. La patinette prend alors sa fonction de luge.

Moteur. Le principal moyen de transport des pays de neige est toutefois motorisé. Outre la voiture, équipée de pneus adéquats et conduite par des automobilistes forcément experts, la motoneige est un outil apprécié. En Norvège, on l’appelle snowmobile, alors qu’au Canada on préfère dire Ski-Doo, le nom d’une marque. "Ici, presque tout le monde en possède un", explique, à Mehamm, un employé de la société Nordic Safari, qui propose des randonnées aux touristes, notamment aux passagers de la compagnie maritime Hurtigruten. Lors de ce voyage, (raconté ici), le groupe de journalistes auquel j’appartenais a eu l’occasion de tester le snowmobile.

Pas de permis spécial. Le maniement de l’engin, qui ressemble à un gros scarabée doté de skis, ne nécessite en Norvège comme dans la province canadienne du Québec pas de permis spécial, autre que le permis de conduire. Assis à califourchon, le conducteur doit appuyer successivement sur un bouton rouge puis sur un bouton gris et mettre les gaz en tournant la poignée. Pour virer, le volant ne suffit parfois pas. Il faut alors porter le poids de son corps dans la direction souhaitée. Pour les conducteurs inexpérimentés que sont les touristes de passage, Nordic Safari ordonne une circulation en file indienne.

Vapeurs. De nuit, les champs de neige norvégiens ressemblent un peu à des dunes. La moto démarre vite et semble relativement instable, ce qui limite toute velléité d’accélérer. Au bout de quelques minutes, pourtant, on sent que l’engin est maîtrisable, on parvient à tourner en usant à la fois du volant et de la vitesse. On finit par prendre plaisir à piloter, à anticiper les bosses, les creux et les virages. Le revers de la balade, c’est le bruit, infernal, produit par une dizaine de scooters, et les vapeurs de pot d’échappement qui saturent l’air.

Entre 4 et 10 litres l'heure. Comme on peut s’en douter, la motoneige n’est pas spécialement un moyen de transport écologique. Un "petit" scooter consomme entre 4 et 6 litres à l’heure et un "gros" en engloutit entre 8 et 10 litres. "Ce n’est pas beaucoup", juge l’employé de Nordic Safari. Tout de même, à nous six, plus les deux guides, nous avons bien dû brûler une cinquantaine de litres d’essence. Le pays du pétrole qu'est la Norvège n’est pas celui de l’énergie gratuite ; le carburant est vendu cher, même si on tient compte du niveau de vie élevé. Il n’empêche que dans le Grand Nord, le scooter des neiges fascine. On organise régulièrement des courses, les champions de vitesse sont célébrés comme des héros et on trouve, dans la moindre papeterie, pas moins de 5 revues consacrées à ce phénomène. Cela n'empêche pas les accidents, comme celui-ci, qui a coûté la vie à un enfant samedi 23 février au Canada, ou celui-là, qui s’est produit aux États-Unis.

Une demi-heure après être descendu de la motoneige, l’odeur des pots d’échappement traîne encore dans les narines. On rêve alors d’une balade dans la neige fraîche et les paysages silencieux, avec aux pieds des raquettes. Ou mieux, à l'aide d'un spark.

Crédit photos : Olivier Razemon.

Les motards roulent vite, et alors?

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Une moto rapide est-elle dangereuse ? Attention, sujet sensible. Surtout à l'heure où reviennent les beaux jours, qui incitent les amateurs de vitesse à enfourcher l'engin remisé pour l'hiver au garage. Dites, ou écrivez, que les accidents impliquant les deux-roues motorisés peuvent être attribués à la vitesse, et la réponse sera immédiate, fulgurante, implacable. Non, vous expliquera-t-on, "ce qui tue, c’est la manière de conduire, pas la vitesse", comme l’affirmait "john" dans un commentaire à cet article consacré à la chute de François Fillon à Capri, l’été dernier. La Fédération française des motards en colère (FFMC) modère à peine ce jugement abrupt. "La vitesse n’est pas la cause la plus classique des accidents. Une circonstance aggravante souvent, mais pas la première cause", assurait à la même époque Frédéric Jeorge, alors membre du bureau national de cette association, et aujourd’hui président de la Fédération européenne des associations de motards.

La différence entre caresse et claque. Le sujet est sensible, donc, mais les faits sont têtus. "Notre ennemi, c’est la vitesse. Un accident à 50 km/h équivaut à une chute de dix mètres. A moins de 50, on peut freiner et éviter l’obstacle. Les conséquences sont moins graves", explique sans ambages Pascal Dunikowski, à la Direction générale de la Sécurité routière du ministère de l’Intérieur. "La vitesse, c’est ce qui fait la différence entre une caresse et une claque", affirme-t-il encore.

Ce n’est pas aussi simple, assurent les principaux intéressés. "C’est rassurant de rouler vite, parce qu’on ne se fait pas doubler", explique Julien Cholin, un jeune motard qui conduit "par nécessité mais aussi par plaisir". Même constat pour Thomas Desson, qui pilote un "trois-roues". "Le véhicule est tellement facile qu’on monte sans problème à 150 km/h. Accélérer très vite permet de dépasser une voiture", précise-t-il. Une accélération tiendrait donc le danger à l’écart. C’est aussi l’avis de "john", toujours à propos de l’accident estival de l'ancien premier ministre : "Plus on va vite, plus la moto reste stable, ce qui réduit le risque de chute. Au vu des faits, on pourrait même parier que M. Fillon ne roulait pas assez vite". Un autre exemple ? "Jean Alesi a souvent roulé largement au delà des 130 km/h en circuit, ça ne l’a pas tué", argumente "john".

"Pas le permis mobylette". Sébastien Flet-Reitz, qui se définit comme "multimodal", car il emprunte tour à tour divers moyens de transport, évoque la "capacité d’accélération" de l’engin, utile "en sortie de rond-point". En outre, rappelle-t-il, "contrairement à un automobiliste, un motard qui roule les yeux rivés sur le compteur n’a pas la possibilité de regarder la route", ce qui explique selon lui quelques excès de vitesse. Jusqu’à sa récente réforme, le permis de conduire pour moto comprenait une épreuve qui exigeait de se montrer rapide. Les inspecteurs du permis avaient apparemment intégré la passion des motards pour la vitesse. "Ils nous encouragent à monter à 110 ou 120 en nous disant des trucs comme ‘Allez, vas-y, c’est pas le permis mobylette que tu passes’. De toutes façons, ils savent que tu ne vas pas rouler à 80", témoigne Julien Cholin. Pour ces motards, qui se disent unanimement prudents, les messages univoques des autorités à l’égard de la vitesse devraient s’accompagner d’une mise en garde aux automobilistes.

Les spécialistes de la Sécurité routière maintiennent pourtant leur analyse. "Les motards minimisent le risque. En pratique, dans un cas sur cinq, l’accidenté est seul sur la route. Souvent, il s’agit d’une perte de contrôle, dans un virage, à cause d’une vitesse excessive", indique Emmanuel Renard, de l’association Prévention routière. Un lecteur, "Empire", enfonce le clou : "Nul besoin de vitesse pour tomber d’un 2 roues en courbe. Un petit coup de frein mal placé et c’est la chute dangereuse même à 10km/h. Les motards ou les scooteristes le savent très bien".

Ci-dessus un film publié par une agence australienne qui met en garde contre la vitesse, facteur de mortalité à moto. A 60 km/h, d'après ces spécialistes, on évite l'obstacle. A 68 km/h, voyez le résultat.

Accidents à moto : décryptage de sept situations à risque

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Une voiture qui grille un stop, une perte de contrôle sur une route de campagne, un dépassement mal géré : ces trois causes sont, ensemble, à l’origine de la moitié des accidents à moto. Ces accidents ont provoqué le décès, en 2012, de 848 personnes circulant sur des deux-roues motorisés. "24% des tués sur la route sont des motards ; en 10 ans, le nombre de tués à moto n’a baissé que de 26% contre 60% pour les personnes tuées en véhicules légers", observent les associations Prévention routière et Assureurs prévention, qui ont lancé le 6 mai une nouvelle campagne interactive de sensibilisation, baptisée "Motoprev".

Vu d'en-haut. Dans une série d’animations vidéo consultables en ligne (c'est ici), sept situations à risque ont été reconstituées : le stop, la perte de contrôle et le dépassement, donc, et aussi le changement de file, la voiture arrivant en face, le freinage brutal et l’irruption inopinée d’un piéton. Pour chacune des situations, trois clips présentés de points de vue différents permettent de comprendre la scène : la vue du motard, celle du tiers, automobiliste ou piéton, et une vue globale, d’en-haut. Puis l’internaute est invité à cliquer sur l’onglet "explications" et à détecter les facteurs de risque à l’origine de l’accident.

Le visionnage successif de ces clips se révèle instructif. Observateur neutre, on sent arriver l’accident, on devine comment l’éviter et on assiste impuissant à l’enchaînement de  comportements irrationnels, maladroits ou présomptueux. Il ne vient à personne, après avoir vu les vidéos, d’imputer un accident à la fatalité. On notera que, sur les sept situations répertoriées, quatre se déroulent en ville, deux en pleine campagne (dont l’un des plus fréquents, la "perte de contrôle" à la François Fillon) et un sur une route nationale.

Les conditions des accidents permettent en outre de détecter, ou plutôt confirment, les erreurs les plus communes. Dans les clips, les autres usagers, notamment les automobilistes, ne se sont manifestement pas habitués à la présence de deux-roues motorisés. Peut-être ne sont-ils pas assez visibles ? (voir le post de ma co-blogueuse Rafaële Rivais à ce sujet).

Lentement, nous sommes pressés. Par ailleurs, la vitesse est souvent en cause (voir, ici, pourquoi les motards admettent rouler vite). Plus précisément, le motard n’adapte pas toujours sa vitesse à son environnement. En milieu urbain, "la présence de parkings et de piétons doivent inciter à la prudence", peut-on lire sur l’une des vignettes ("la voiture d’en face"). "Malgré l’absence de panneau de limitation à 70 km/h, l’absence de visibilité aurait du alerter le motard et l’inciter à ralentir", lit-on en marge du clip "perte de contrôle".

Réactions turbo. La vitesse, comme on l’a déjà constaté, est une tentation facile lorsqu’on roule à moto. Les motards militants, et ils s’expriment généralement avec vigueur sur le sujet, n’apprécient pas qu’on le leur rappelle. La Prévention routière et Assureurs prévention n’ont pas consulté les associations de motards avant de concevoir leurs clips. Elles se sont en revanche basé "sur les études détaillées d’accidents et des projets de recherches menés par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifstarr)". Interrogé, Frédéric Jeorge, de la Fédération européenne des associations de motards (FEMA), conserve une "impression globale relativement positive" de la campagne interactive. Ainsi, "les différents angles montrent bien l'existence systématique de plusieurs causes" et "les scénarios d'accidents sont assez justes". Mais le responsable "regrette un peu que le motard représenté soit systématiquement en sur-vitesse en ville, ce n'est quand même pas forcément le cas". Il arrive donc parfois que des motards respectent les limites de vitesse. Le module figure sur Le repaire des motards, un site d’informations et de services qui revendique "jusqu’à 1 million de visites par mois" et où l’on peut aussi trouver de bonnes blagues de motards, bien graisseuses.


Primaire UMP : NKM et les autres veulent « désengorger Paris »

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Et si on commençait par lister ces mesures radicales qui ne figurent dans aucun programme ? Aucun des quatre candidats à la primaire UMP de Paris, qui se déroule ce vendredi 31 mai, samedi 1er et dimanche 2 juin, ne souhaite rétrécir les couloirs de bus. Ni Pierre-Yves Bournazel, ni Nathalie Kosciusko-Morizet, ni Jean-François Legaret, ni Frank Margain ne proposent un retour aux "axes rouges", ces boulevards parisiens transformés en autoroutes urbaines, à l’époque de Jacques Chirac. Le parti d'opposition ne veut pas non plus déconstruire le tramway, rétablir la première classe dans le métro, mettre les Vélib’ à la casse ou instaurer un service d’hélicoptères "propres" (forcément électriques) pour dirigeants pressés... Force est de constater que si l’UMP devait gagner Paris, l’an prochain, elle ne remettrait que marginalement en cause (et contrairement à ce que l'on entend parfois dans le parti de Jean-Louis Borloo) les changements instaurés durant les deux mandats de Bertrand Delanoë. L’aménagement des voies sur berges, c’est un peu comme le mariage gay : on crie au scandale, mais six mois plus tard, tout le monde ou presque s'en accommode.

Séduction primaire. Les propositions pour les transports figurent en bonne place sur les sites Internet des candidats et animent les débats télévisés. Comme dans toute campagne électorale, les impétrants tâchent de se distinguer les uns des autres et proposent des projets grandioses destinés à impressionner les électeurs. Par ailleurs, comme dans toute primaire, c'est déjà le cas aux États-Unis et on commence à le découvrir en France, les candidats cherchent surtout à séduire leur camp, ce qui les amène à émettre des propositions tranchées. Le vainqueur se recentre ensuite, lorsque vient le temps de la confrontation avec l'ensemble de l'électorat.

"Mes idées". Mme Kosciusko-Morizet, que l’on dit favorite, résume sous un onglet "mes idées" des propositions destinées à séduire les automobilistes, pourtant largement minoritaires dans la capitale. "Toutes les grandes villes cherchent à réduire la place de la voiture mais rien de nous oblige à le faire en détruisant des dizaines de milliers de places de parking et en créant de gigantesques embouteillages, qui sont désormais le quotidien de chaque Parisien", écrit-elle. En pratique, on objectera que, pour réduire vraiment la circulation automobile dans une ville, il faut effectivement limiter le stationnement et contraindre la vitesse. Car la tonne d’acier motorisée est un moyen de déplacement simple, à défaut d’être bon marché, fiable et sain. Les gens continueront à l’utiliser tant que ce sera possible… et donc à se retrouver dans les "gigantesques embouteillages" qu’ils contribueront à former. Rappel : si vous êtes en voiture dans un bouchon, ce n’est pas à cause du bouchon, mais parce que vous êtes le bouchon. L’ancienne ministre veut également "créer des pôles d’intermodalité par la couverture de certaines parties du périphérique aux portes de Paris". Des grands parkings extérieurs où on laisserait sa voiture avant de continuer en métro, une tentation séduisante. Mais là encore, dans la vraie vie, cela ne fonctionne pas vraiment. On n’abandonne pas sa voiture si près du but, sauf si, précisément, il est compliqué de circuler et de stationner.

"Programme". M. Legaret, maire du 1er arrondissement, a dépensé ces derniers jours davantage d’énergie à assurer qu’il n’a jamais été proche des mouvements homosexuels qu’à parler transports. On se croirait en Amérique. Dans son "programme", le sixième point (sur 8), consacré aux "déplacements", il promet d’"installer partout des bornes de recharge pour véhicules électriques" et propose des "navettes électriques inter-arrondissements". Chouette ! Mais ça existe déjà, ça circule sous terre et ça s’appelle métro. Comme l’ancienne ministre, l’élu lâche un "point boulevard Saint-Marcel", désignant l’aménagement de cet axe du 13e arrondissement comme le summum du couac de l’ère Delanoë. C’est assez juste, mais attendu. On pourrait citer de nombreux autres ratages, comme ces milliers de potelets qui entravent le stationnement mais surtout les mouvements des piétons, ou ces petites rues de quartier ou ces artères commerçantes (Gaîté, Francs-bourgeois, île Saint-Louis, Belleville) où l’on croise beaucoup plus de personnes à pied qu’en voiture et où 80 % de la voirie demeure réservée à la circulation automobile.

"Profession de foi". Le très catholique M. Margain, pour présenter son programme, préfère le terme de "profession de foi", un document relativement succinct qu’il faut télécharger. Son credo repose sur la protection de "la famille et de la personne fragile", une conception paternaliste de la société qu'il étend au logement et aux transports : "J’attribuerai les logements sociaux en priorité aux Parisiens, à leurs enfants, à leurs parents, et je favoriserai le lien intergénérationnel (…) Je donnerai la priorité aux Parisiens qui travaillent à Paris afin de réduire le mieux possible le flux quotidien des transports en commun". Le candidat, dirigeant du Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, veut "aménager 20 km de voies sur berges de Choisy à Saint-Denis sans opposer automobilistes et piétons". Il a même inventé un terme pour cela : "la co-circulation". M. Margain est également le seul candidat UMP à se prononcer en faveur du péage urbain.

"Projet". C’est dans le "projet" de M. Bournazel que l’on trouve les propositions les plus détaillées, appuyées par de nombreux exemples pris dans des capitales européennes. Sous une photo d’une station de métro, le jeune élu du 18e présente "12 engagements" pour les transports. Comme M. Legaret et Mme Kosciusko-Morizet, l’élu veut un métro circulant davantage, la nuit et le week-end. Il souhaite aussi "déréglementer la profession de taxi", afin d’en faire un transport plus fiable qu'il ne l'est aujourd'hui (voir ici). Voici deux excellentes idées, mais qui ne dépendent qu'à la marge du maire de Paris. Il faudrait, pour les réaliser, convaincre, dans un cas, les syndicats bourrus de la RATP et, dans l’autre, le puissant et malthusien lobby des taxis. M. Bournazel, qui ne possède pas de voiture, veut "un système de cartographie des places de stationnement disponibles compatible avec les applications Smartphone", une bien belle idée qui n’a jamais percé, et s’engage "à supprimer les voitures de fonction de l’ensemble des élus parisiens", ainsi qu'à "développer les livraisons de marchandises et les transports écologiques par voie fluviale". Des actes concrets, pour le coup, sur lesquels on pourrait le juger.

L'essence de la liberté. Au fond, les candidats UMP présentent de nombreux points communs. Ils exigent tous "la fluidité des déplacements" et la "liberté de circuler", une utopie dans une ville dense où vivent plus de 2 millions de personnes qui bougent sans arrêt. Aucun candidat n’évoque les nuisances (bruit, danger, stationnement sur les trottoirs) produites par les deux-roues motorisés, pourtant un sujet de préoccupation central à Paris, et personne ne parle non plus, ni en bien, ni en mal, d’Autolib’, une réalisation qui fait la fierté de la majorité socialiste.

 

 

 

Traverser la planète en moto, mode d’emploi

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Tout plaquer un beau matin, enfourcher sa bécane et partir au bout du monde. Beaucoup en ont rêvé, peu l’ont réalisé. Des moyens de transport adaptés à ce type d’aventure, la moto semble particulièrement enivrante. Fabienne Dupuis, 42 ans, journaliste, s’est lancée. Mardi 9 juillet, seule, elle a quitté Paris pour Londres, retour le lendemain, une traversée en forme de rodage. Le 30 juillet, c’était le grand saut, cap vers le sud et l’est ; elle espère joindre Delhi en deux mois, les jambes lovées autour d’une Royal Enfield Classic Chrome 500cc. Au total, il faudra traverser dix pays (Royaume-Uni, France, Italie, Slovénie, Croatie, Serbie, Bulgarie, Turquie, Iran et Inde), tout en faisant l’impasse sur le Pakistan, trop risqué.

C'est un voyage en forme d’histoire, celle, "incroyable", de la compagnie Royal Enfield, créée au Royaume-Uni à la fin du 19ème siècle, devenue fournisseuse de l’armée indienne en 1949 puis vendue à des fabricants indiens en 1994. "J’aime les vieilles mécaniques élégantes, avions, voitures, motos, et puis c’est un joli clin d’œil à la mondialisation", se justifie la voyageuse. Avis à ceux qui voudraient l’imiter, on ne se lance pas dans un tel périple sans une solide préparation. Et les aspects qu’il faut soigner ne sont pas forcément ceux auxquels on pense en premier. Aux dernières nouvelles, Fabienne est en Bulgarie et doit arriver sous peu à Istanbul. Récit d’expérience.

Trouver un but

Pour Fabienne, c’est l’histoire de la compagnie Royal Enfield, au-delà, bien sûr, du défi qu'elle s'impose. Mais pas seulement. La journaliste espère en faire un "voyage pseudo-chic" dont elle proposera le récit à des magazines. A chacun de trouver son objectif, entre références connues de tous et récit personnel. Le but est aussi géographique : Delhi, Tombouctou, Ushuaïa ou Marnes-la-Coquette. Autre possibilité : faire le tour du monde (à la voile, à vélo, en train voire, pourquoi pas mais c'est dommage, le plus vite possible).

S’y prendre tôt, mais pas trop

En fait, si on écoute Fabienne, on pourrait partir du jour au lendemain, sur un coup de tête, ou presque. A condition quand même de disposer des visas pour les pays traversés, ce qui n’est pas une mince affaire (voir "se préparer à affronter les administrations"). Sans oublier les vaccins ni négliger le rodage. Car une moto neuve n’est pas prête. Une préparation mécanique s’impose, de préférence avec l’aide d’un connaisseur. Pour la voyageuse, qui détient son permis moto depuis mars 2012, et qui pilote, en ville, une Kawasaki Zéphyr 750, cette étape revêt un caractère essentiel.

Convaincre des sponsors

Un point crucial. En fait, "c’est la chose qui prend le plus de temps", dit-elle. Tout est bon à financer : l’huile de moteur, l’assurance, les bagages, l’ordinateur, les hôtels. Il faut prendre son courage à deux mains et décrocher des rendez-vous avec les entreprises concernées. Elles sont habituées. Sur un budget total de 25 000€, les trois cinquièmes du voyage de Fabienne, 15 000 €, sont financés; on trouvera la liste ici. La voyageuse a aussi appris à demander davantage que de l’argent, à passer du sponsoring au partenariat. Le fabricant de lubrifiants Sikolene s'est ainsi engagé à fournir l’huile de moteur tout au long du trajet. La moto, enfin, a été prêtée par Royal Enfield France et aussitôt baptisée "Gertie".

Prendre du zen en gouttes

Le départ, prévu le 11 juillet, a été retardé d’une vingtaine de jours. La globe-trotteuse attendait son visa pour l’Iran. Il a fallu "prendre du zen en gouttes", confie-t-elle. Et parfois s’en remettre à la grâce de Dieu. La moto, elle aussi, a besoin de papiers. Le carnet de passage, "vivement conseillé", est un peu le "passeport de la moto", qui permet de passer d’un pays à l’autre sans que personne ne suspecte un trafic. Cela dit, Fabienne a fait sans, et a réussi à présenter son voyage comme "une opération de communication", mais surtout pas "de presse". Il est des pays où il vaut mieux cacher que l’on est journaliste. L’assurance internationale, 900€ par an, a bénéficié du sponsoring de la Mutuelle des motards.

Voyager - aussi - léger - que possible

Sur la moto de Fabienne, il y a des sacs partout. La voyageuse a opté pour une bagagerie souple et a réussi à faire des fabricants de bagages des sponsors, comme Zulupack. La Royal Enfield est ainsi attifée : deux sacoches de 35 litres de chaque côté, un sac rond polochon, et un dernier sur le réservoir. La voyageuse a appris, au cours de son aller-retour en Angleterre, à organiser son attirail, de façon à avoir accès, même lors des pauses quotidiennes, à ce qui est immédiatement utile. Car elle s’est promise de "voyager léger".

Raconter des anecdotes

Décrire les paysages, les sensations, les rencontres insolites, les incidents. Cela rassure non seulement la famille et les amis, mais permet aussi de conserver un lien avec les sponsors, sans oublier les curieux, qui deviendront bientôt accros. Il faut bloguer ou facebooker "au moins une fois tous les deux jours", même si c’est "juste pour dire que tout va bien". Pour ces raisons, et malgré la fatigue du voyage, les textes et photos doivent rester soignés, et l’humour n’est pas interdit. L’idéal, c’est un blog, comme celui créé par Xavier et Danièle Milcent (qui sont aussi mes cousins) lorsqu’ils se sont lancés dans un tour du monde avec leurs quatre enfants. Cette famille-ci, qui fait le tour du monde à vélo, ne déroge pas à la règle. Mais une page Facebook, à condition d’être alimentée régulièrement, peut suffire. C’est le format adopté par Fabienne. La formule présente en tous cas l’avantage de créer un essaim d’intéressés, en l’occurrence les fans de Royal Enfield, prêts à venir en aide à la motarde en cas de problème. Pour rédiger ses devoirs, Fabienne a obtenu du fabricant Acer le prêt d’"une bonne tablette". Et puis, avant le départ, on aura organisé une grande fête, pour mobiliser et intéresser ses proches. Au retour, on se promet de faire de même.

Préparer ses muscles

On ne dirait pas comme ça, mais la moto est un truc physique, en fait. Les chambres d’hôtel ne répondent pas seulement à un goût du luxe. "Il faut deux bonnes nuits pour récupérer", dit la globe-trotteuse, qui a prévu des stops dans des palaces (sponsors) à Istanbul, Téhéran, Ispahan, Bombay, Djaipur et Delhi. Pour entamer une telle migration, il faut "un corps sain dans un esprit sain" et savoir s’arrêter dès que se présente une tension. Après son voyage à Londres, Fabienne a remisé un sac à dos qui, à la longue, lui causait une certaine douleur. Il ne faut rien laisser au hasard, faire des pauses, s'arrêter dès le moindre trouble, bien manger, bien boire. Et, le soir, relâcher ses muscles, se masser, passer un peu de baume du tigre.

Suivre les conseils mais pas trop

C’est un peu le problème. Dans les semaines qui précèdent le départ, "tout le monde a un conseil à donner", confie Fabienne. "Or, chaque conseil est lié à un détail précis, à ce qu’a vécu ou ce qui a marqué la personne qui parle". Il importe alors de replacer le conseil dans son contexte et de faire avec. Ou sans.

NB : Le récit du voyage vu par le Repaire des motards.

Précisions, 9 août, 11h45 : je ne connaissais pas Fabienne Dupuis avant d'avoir entendu parler de son projet. D'autres aventuriers, cités par les lecteurs, ont réalisé ou sont en train d'effectuer un voyage comparable. Ici, Alex, l'Amérique du Nord au Sud sur une moto KLR 650. Ou ce cycliste se décrivant comme un "lemming", qui se rend de France en Thaïlande sur un vélo, étape après étape. Cette aventure vieille de 10 ans, Hanoï-Paris sur une moto. L'Eurasie en tandem, par Geoff et Lodi. Et puis d'autres encore...

10 août, 9h45. D'autres tours du monde et voyages : le tour de l'Afrique en moto, le tour du monde par les mêmes moyens, le tour du monde en Renault 4L avec, en prime, un "soutien à l'entreprenariat par le microcédit", etc. Je ne peux pas citer tout le monde, disposant d'une connexion limitée en ce moment.

 

 

« Il n’y a pas de bons motards, seulement des vieux motards »

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Sur la porte de la salle de conférence, située au deuxième étage de l’hôtel Kyriad d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) figure le nom donné à cet espace : "Berlin". Mais la salle, dans un autre établissement de la même chaîne hôtelière, s'appelle peut-être "Mimosas", "Picasso" ou "Goélands". Parquet anonyme, parois fonctionnelles, chaises recouvertes de velours rouge, rideaux bleus entourant les fenêtres qui donnent sur le parking. Sur le sol, on a déposé les sacs volumineux, les gants et les casques. Les chaises sont recouvertes de lourds blousons de cuir et les godillots de motard glissent sur le sol ciré. On a placé les tables en U, comme à l’école quand on veut faire participatif. Les six formateurs et les neuf stagiaires, deux femmes et sept hommes, ne se connaissent pas encore. Pour faciliter les contacts, chacun dispose d’un petit chevalet en papier sur lequel est inscrit son nom, en MAJUSCULES, son prénom, en minuscules et le modèle de sa moto. Virginie (Yamaha 600 Fazer) a pris place à côté d’Emmanuel (Ducati GT 1000).

Un stage de deux jours à 412,5€. Tous sont titulaires du permis moto depuis quelques mois ou quelques années. Mais ces salariés, cadres, travailleurs indépendants ou commerciaux venus de Paris ou de la proche banlieue, ont le sentiment de ne pas en savoir assez. Ils veulent se perfectionner, confient leur peur de doubler ou ont récemment acquis une nouvelle machine. L’association pour la formation des motards (AFDM), issue de la Fédération française des motards en colère (FFMC), proposait un stage de perfectionnement (détails ici), alors ils se sont inscrits. La prestation, qui n'a rien d'obligatoire, leur est vendue 412,5€ (375€ hors Ile-de-France).

Conduire en amazone. La première matinée est consacrée à la théorie. Cet après-midi, on sortira de la salle "Berlin" pour quelques exercices pratiques au grand air (et, ce jour-là, sous une pluie fine) : freinage, virages secs, maniabilité de l’engin à basse vitesse, etc. "On les fait conduire d’une seule main, ou en amazone, des trucs qu’ils n’imaginent même pas", glisse Frédéric Jeorge, président de la Fédération européenne des associations de motards, venu assister à la formation. Ce soir, ça sera apéro, dîner, puis nuit à l’hôtel, et demain on recommence, et le stage se terminera par une balade sur la route. Tout est compris dans le prix.

Mais pour l’instant, on parle de tout, sauf de moto. "A votre avis, quel est la largeur de cette salle ?", demande Claude Bastien (BMW R 100 65), un formateur bénévole. Les réponses fusent : "8 mètres", "15 mètres", "10 mètres". M. Bastien laisse passer quelques instants puis lâche : "On s’en fout. De toute façon, on ne sait pas l’évaluer. Plutôt que de se souvenir d’une distance, mieux vaut se concentrer sur le temps que l’on mettra pour s’arrêter". Le formateur le sait, les motards ont tendance à rouler vite, et d'ailleurs les instructeurs du permis les y encouragent (voir ici).

Le petit chat. Maintenant, on joue avec une roue de vélo. On la tient par le moyeu et on la fait tourner. Puis on l’incline, histoire de montrer qu’un virage se négocie autant par le poids que par le guidon. Les stagiaires sont ensuite invités à repérer une éventuelle erreur dans cette phrase :

"Le petit chat dort à côté de la

la porte rouge."

Pour ceux (dont l’auteur de ces lignes), qui ne l’auraient pas remarqué, la phrase comporte deux fois le mot "la". Leçon : "le cerveau transforme l’information qu’il reçoit en quelque chose qui a du sens pour lui". Olivier, un stagiaire, confirme : "Je me baladais à moto sur une route de campagne. En traversant un bois, à la tombée de la nuit, j’ai cru voir une tâche brune sur le bas-côté. J’ai pensé ‘non, ce n’est rien’, mais un cerf a traversé la route. Au moment où j’allais le heurter, il a fait demi-tour. Heureusement, j’étais à 70 km/h, pas à 90".

Le frein arrière "pour les pédés". On parle cinétique, gyroscopique, angle de chasse. Puis freinage. Chacun livre son expérience. "Un jour, j’ai freiné pour laisser passer un piéton", commence l’un. "Quelle idée !", s’exclame un autre, déclenchant l’hilarité générale. Trois des onze stagiaires sont déjà tombés de leur engin en freinant. Le plus jeune, gendarme de profession, raconte que ses collègues le chambrent lorsqu’il utilise le frein arrière. "Ils disent que c’est pour les pédés, c’est ça ?", interroge un formateur, qui rectifie d’un petit dicton : "Le frein arrière, c’est mon ami, le frein avant, mon ennemi".

Les formateurs se relaient pour rappeler quelques règles de base : "Conduire une moto après avoir bu, ne serait-ce qu’une bière, c’est juste imbécile", et "conduire au téléphone, c’est pareil". Tous les dangers de la route sont passés en revue. Thierry Pesme (Kawasaki ZRX 1000) est enseignant pour l'AFDM ; il porte un sweat-shirt avec l'inscription "Cantal gazz, tout roule à La Bourboule" sur le dos. Mais il n'est pas là pour rigoler. Il résume : "Il n’y a pas de bons motards, que des vieux motards".

Chaque année, l’AFDM forme 300 motards dans ces stages de perfectionnement. La liste des prochains stages est disponible ici. La plupart des sessions affichent complet plusieurs semaines à l'avance.

(et comme dit @goalvolant, "vieux motard que jamais").

 

 

 

Comment Paris espère devenir « la capitale de la moto »

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C’est décidé ! Paris sera bien la capitale de la moto ! L’annonce n’est pas encore officielle mais devrait être rendue publique dans les jours qui viennent. Un observateur proche de la municipalité explique la récente conversion de l’Hôtel de Ville à ce moyen de transport. « La moto, et plus généralement le deux-roues motorisé, sont l’avenir des Parisiennes et des Parisiens », entend-on, ces jours-ci, dans les couloirs de la mairie.

Bruit, vitesse et trottoirs. « Les gens veulent aller le plus vite possible en faisant plein de bruit et se garer gratuitement sur le trottoir devant chez eux. Après tout, c’est bien leur droit », explique cet interlocuteur qui rapporte un propos récemment tenu par un élu aux représentants d’une association de motards très fâchés : « si ça peut vous faire plaisir, franchement, ça ne coûte pas très cher ».

Exit le plan vélo. Le plan vélo de 150 millions d’euros, qui visait à faire de Paris la « capitale du vélo », a-t-il été passé par les oubliettes ? « De toute façon, aucun aménagement n’avait vu le jour, pas une bande cyclable, pas le début d’un itinéraire, pas même un panneau. Alors, il ne reste qu’à faire voter par le Conseil de Paris l’affectation de ces 150 millions au développement de la moto », confie encore cet anonyme.

Surtout, ne changeons rien. Comment la Ville compte-t-elle s’y prendre ? En pratique, il suffit de faire comme jusqu’à présent, ne rien changer. Hors de question d’instituer le stationnement payant pour les deux-roues motorisés, comme le fait déjà Londres. Il n’est pas non plus envisagé de verbaliser les motos et scooters qui stationnent sur un trottoir, ni de décourager les conducteurs qui se positionnent sur un sas cyclable situé juste derrière un feu rouge et en principe réservé aux vélos.

Le lobby des conducteurs de mobylettes. Au contraire, la municipalité serait sur le point de lancer une campagne de promotion du deux-roues motorisé. Anne Hidalgo s’est ainsi montrée sur un « Cityscoot », une sorte d’Autolib’ à deux roues. On murmure que la Ville cherche à légaliser des pratiques déjà courantes, comme l’emprunt d’un sens interdit ou d’une piste cyclable, ou encore la circulation à 70 km/h. Les élus, dont certains sont très sensibles aux arguments du puissant lobby des conducteurs de mobylettes, voudraient mettre en place le plus rapidement possible le système Scootlib’. L’aménagement des grandes places de la capitale pourrait prendre exemple sur la place de la Bourse, où le stationnement gratuit des deux-roues occupe une bonne partie de l’espace.

Déjà, en 2014, la Ville de Paris encourageait fortement ses habitants à utiliser un deux-roues motorisés : « Parce que dans une ville dense comme Paris, deux roues valent mieux que quatre ». A cette occasion, la municipalité avait annoncé la création de 20 000 places de stationnement gratuites supplémentaires.

Le climat, c’est pas pour demain. On peut s’étonner de ce revirement alors que la Ville avait annoncé sa ferme volonté de lutter à la fois contre le bruit, la pollution et le réchauffement climatique. Encourager les scootéristes à utiliser un autre moyen de transport, ou à circuler sans produire autant de vacarme, aurait pu faire partie des solutions. « Vous savez, les grands discours… », résume notre interlocuteur en haussant les épaules.

Sauver les hôpitaux parisiens. Et de confier que l’un des objectifs serait de renflouer les hôpitaux parisiens, qui seraient concernés par une menace de fermeture. « Les deux-roues motorisés font tourner les services d’urgence bien davantage que les cyclistes », souligne notre interlocuteur. En 2013, à Paris, 13 personnes circulant sur une moto ou un scooter ont été tuées. Mais un seul cycliste.

Olivier Razemon

[Cet article est parodique, mais les liens vers lesquels il renvoie ne le sont pas]

La sécurité des deux-roues motorisés:

Accidents à moto: décryptage de 7 situations à risque (mai 2013)

Mortelle campagne (mai 2012)

Paris continue de donner la priorité au moteur (et ceci n’est pas une parodie):

Et si on commençait par élargir les trottoirs, Madame Hidalgo (décembre 2014)

Paris peut-elle vraiment devenir la « capitale du vélo » (juin 2014)

Paris : et si on gardait les vieilles guimbardes ? (novembre 2012)

 

 

 

 

 

 

Les transports à Paris en 20 chiffres

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Le métro est à l’heure, la vitesse moyenne sur le périphérique ne dépasse jamais les 53 km/h, c’est à pied que les Parisiens font leurs courses et on pédale en toutes saisons. Ces quelques enseignements sont tirés du bilan des déplacements pour 2014, publié à la mi-janvier par la Ville de Paris (et consultable ici, merci Emmanuel). Voici les 20 chiffres qui racontent les déplacements des habitants de la capitale et de ceux qui y travaillent.

1/ 97,9% des passagers du métro sont à l’heure. Les autres voyageurs n’ont pas cette chance, qu’ils choisissent le RER (87,5%), le réseau Transilien (88,6%), le bus à Paris (90,8%) ou en banlieue (94,5%). On notera qu’un transport est considéré comme ponctuel s’il parvient à destination avec un retard inférieur à 5 minutes.

2/ 1,5 milliard de passages au tourniquet. C’est le nombre de total de voyages sur le réseau du métro, qui parvient d’ailleurs à saturation. En 2004, on n’avait recensé « que » 1,3 milliard de voyages. En 2014, la fréquentation du métro a progressé de 0,4%, les RER A et B ont gagné 1,1% de trafic, le bus 6,7% et le tramway 13,1%. Désormais, les réseaux ferrés sont aussi bondés le week-end que la semaine. Enfin, 51,3 millions de voyageurs sont entrés à la station Gare du Nord, la plus fréquentée du réseau RATP, devant Saint-Lazare et Gare de Lyon.

A lire : Les petits secrets de la RATP révélés au public (mars 2013)

3/ 9,4 millions de trajets en Noctilien. Le bus de nuit de la RATP fait recette, avec une progression de 100% depuis 2005.

4/ 11% des trajets en voiture. En dépit des apparences, selon ce chiffre qui émane d’une enquête des déplacements de 2010, Paris n’est pas la capitale de la voiture. A peine un déplacement sur 9 s’effectue en automobile. En 2014, la circulation a même baissé de 4%. A titre de comparaison, 47% des trajets se font à pied. Ici, le blog du « Piéton véloce » résume les enjeux.

5/ 55% de cyclistes de plus en septembre qu’en janvier. On pédale davantage en été, mais on ne s’arrête pas en hiver. Entre 2013 et 2014, l’augmentation des trajets à vélo atteint 8%. Et c’est en janvier, février et mars que la fréquentation des axes cyclables a le plus progressé.

A lire : Paris peut-elle vraiment devenir « la capitale du vélo »? (juin 2014)

6/ 42% des utilisateurs de Vélib’ ont plus de 35 ans. Et même 8% ont plus de 56 ans. 78% d’entre eux habitent à Paris, 17% en petite couronne et 4% en grande couronne.

7/ 5% des Vélibistes pour l’environnement. L’utilisation de Vélib’ n’a pas pour motif principal la lutte contre la pollution. La liberté (34%), la rapidité (22%), le plaisir (18%) et la santé (10%) apparaissent comme des motivations plus fortes.

8/ 79% des achats à pied. C’est pour les trajets « domicile-achats » que l’on se déplace le plus en marchant, et pour un trajet moyen de 320 mètres. La marche est aussi le mode majoritaire pour accompagner d’autres personnes, étudier, ou pour les « déplacements secondaires ». Ces chiffres sont issus de l’enquête de 2010.

9/ En voiture, on roule à 15,2 km/h. C’est peu. Mais cette vitesse moyenne grimpe tout de même à 17,1 km/h en août, à 17,3 km/h après 20h et à 17,8 km/h avant 7h du matin.

A lire : Les chiffres qui confirment que Paris est en vacances (août 2014)

10/ Sur le périphérique, on roule à 38,8 km/h. C’est une moyenne. Les automobilistes ont gagné 2 km/h par rapport à 2013, ce qui s’explique notamment par l’abaissement de la vitesse maximale à 70 km/h. En effet, en limitant les pointes, on évite aussi les à-coups et les bouchons. C’est en août qu’on roule le plus vite sur le périph’ (52,6 km/h) et c’est en juin que l’on s’y traîne le plus (32,9 km/h).

A lire : La nuit où le périphérique est passé à 70 km/h (janvier 2014)

Le périphérique, même pas à l'heure de pointe. © Olivier Razemon11/ 818 000 places de stationnement. Pour l’ensemble de la capitale. Soit 200 000 de plus que le nombre de voitures que possèdent les Parisiens. Les deux-tiers de ces places sont situées dans les immeubles privés.

12/ Autolib’ dispose de 67 410 abonnés. Dont 36 400 (54%) vivant à Paris, ce qui représente 1,6% de la population. En 2014, le nombre d’abonnés a crû de 264%. Les autolibistes plus masculins (64%) que les vélibistes, mais moins Parisiens : 54% vivent intra-muros.

A lire : A quoi sert vraiment une Autolib’ (décembre 2014)

13/ 37 minutes dans une Autolib’. La durée moyenne de location est plus élevée en juin et décembre (39 minutes) et plus faible en août (35 minutes). Un effet des embouteillages. La distance moyenne parcourue reste inférieure à 10 kilomètres.

14/ 51% des personnes handicapées prennent le métro. Contrairement à ce que l’on imagine parfois, la mobilité des personnes à mobilité réduite diffère assez peu de celle de l’ensemble de la population. Elles empruntent davantage le bus et le tramway que la moyenne, mais pas dans des proportions massives.

15/ 138 000 infractions commises par les deux-roues motorisés. Il s’agit du nombre de procès-verbaux dressés par la Préfecture de police. Le stationnement sur les trottoirs concerne la grande majorité des infractions (113 000), suivi de la circulation dans les couloirs de bus (15 000) et le franchissement de feu rouge (5 000).

16/ 53,3% des clients des taxis vont de Paris à Paris. Et 13,5% des courses sont effectuées à destination ou au départ d’un aéroport. Le trafic de banlieue à banlieue de dépasse pas les 8%. En d’autres termes, et paradoxalement, on utilise davantage le taxi là où il y a le plus de transports publics.

17/ 39 tués dans la circulation en 2014. Parmi lesquels 20 piétons, 14 personnes circulant à moto ou à scooter, 3 cyclistes et 2 automobilistes. Les conducteurs de deux-roues motorisés (17% du trafic) fournissent à eux seuls 51% des blessés graves.

18/ 31% des Parisiens subissent le bruit routier. En outre, selon la Ville, à peine 56,5% des habitants bénéficient d’un environnement nocturne calme. La carte du bruit constitue un parfait décalque des axes routiers, qu’ils soient présentés comme « principaux » ou « secondaires ». Le bruit est élevé presque sans interruption, de 7h à minuit.

19/ Le fret ferroviaire, 7 millions de tonnes, est en chute libre. Soit à peine le tiers du volume de 2003. Le fret fluvial atteint également son plus bas niveau depuis 2003.

20/ + 15% pour Batobus. 923 000 passagers ont été transportés sur la Seine en 2014. Les touristes adorent.

Olivier Razemon,  sur Twitter et sur Facebook

 

 

 

 

Quand le plan vélo de Paris sert de défouloir collectif

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Parquet, lambris, plafonds coffrés, lustres, fresques. Le décor fastueux de l’immense salle des fêtes de la mairie du 11ème arrondissement de Paris impressionne toujours un peu. Ce mercredi 10 février, plus d’une centaine de personnes ont timidement pris place sur les chaises standard, pour discuter d’un thème dont on n’aurait pas juré qu’il passionnerait les foules : le réaménagement cyclable du boulevard Voltaire.

Cette artère haussmannienne de presque 3 kilomètres de long, dénommée à son origine «boulevard du Prince Eugène», traverse le 11ème de part en part, entre la place de la République et celle de la Nation. Le boulevard est bien connu à plusieurs titres. Les habitués des manifestations ont l’habitude de le parcourir sur toute sa longueur et c’est au numéro 50 qu’est logée la salle de spectacle du Bataclan.

4,5 millions € vs. 5,5 millions €. Le « plan vélo » 2015-2020 de la Ville de Paris (détails à lire ici) prévoit d’y tracer une piste cyclable dans chaque sens. Mais les modalités finales ne sont, officiellement, pas encore arrêtées : les pistes seront-elles séparées de la chaussée par une bordure en béton (coût : 5,5 millions d’euros) ou seront-elles tracées sur « une extension de trottoir », au même niveau que celui-ci, en prenant l’espace sur la chaussée, la largeur du trottoir existant n’étant pas réduite (coût : 4,5 millions d’euros) ? L’assistance est appelée à en débattre.

Démocratie participative à la française. A la tribune, sur une petite estrade, six hommes, élus et fonctionnaires, tous blancs. Dans la salle, des hommes et des femmes, tous blancs également, à l’exception de l’employée chargée de passer le micro, noire. On ne change pas les vieilles habitudes de la démocratie participative à la française.

« Ne pas opposer les usagers ». Ouvrant le débat, le maire de l’arrondissement, François Vauglin (PS), qui a repéré ses administrés dans la salle, se veut consensuel. Il ne s’agit surtout pas, explique-t-il avec une grande prudence, « d’opposer les usagers les uns aux autres » ni d’agir « par la contrainte ». Le boulevard Voltaire réaménagé sera un progrès « pour les cyclistes », mais aussi « pour les piétons et automobilistes », assure-t-il, sans préciser que l’objectif de la Ville consiste à augmenter le nombre de trajets à vélo.

Pompiers et désamiantage. Deux fonctionnaires de la mairie de Paris présentent alors les enjeux du « Réseau express vélo » parisien en s’appuyant de cartes projetées sur un écran situé près de l’estrade. Sont abordés successivement les normes des aménagements nécessaires aux pompiers, le stationnement en double file, l’« accostage » des bus, le désamiantage de la chaussée, etc. Au fond de la salle, on tord le cou pour voir les petites caractères sur l’écran et on tend l’oreille pour tenter de comprendre le jargon des ingénieurs de la voirie.

Motos accidentogènes. Vient la présentation des accidents recensés. « Ce boulevard est une voie accidentogène », précise le fonctionnaire de la Ville. « Les accidents sont principalement causés par des motos roulant trop vite, des chocs entre deux motos, des motos heurtées par des voitures tournant à gauche. Et lorsque des piétons sont touchés, c’est qu’ils sont renversés par des motos ». Le terme « moto » est ici entendu comme synonyme de « deux-roues motorisé », et inclue donc les scooters, quelle que soit la cylindrée.

Sur ce sujet : 20 chiffres sur les transports à Paris (février 2016)

Et aussi : Comment Paris espère devenir la capitale de la moto (juin 2015)

« Grand Dieu! » La parole est désormais à la salle. Laurent Jeannin-Naltet, de l’association « Les droits du piéton », réclame le micro. « Vous créez une piste cyclable sur la chaussée. Pourquoi grand Dieu appelez-vous cela ‘extension de trottoir’ ? » Suit un long développement terminologique sur la définition du terme « trottoir ». Puis cette conclusion en forme de rosserie : « On fait des aménagements très coûteux pour les vélos. Je n’ai rien à en dire. Mais appelez les choses par leur nom ! »

« Clochette ». Une dame vêtue d’un ensemble fuchsia se lève : « Je suis venue à cette réunion énervée, pensant qu’on allait prendre de la place aux piétons pour tracer une piste cyclable. Je m’aperçois que ce n’est pas le cas ». Soulagée, la dame en a pourtant gros sur le cœur : « les gens à vélo ne respectent pas une bonne partie du Code de la route. Ils montent sur le trottoir, n’ont pas de clochette et, la nuit, pas de lumière. Et en plus, ils n’ont aucune protection pour la tête ! »

« La dernière femme de Sacha Guitry ». S’ensuivent plusieurs interventions de personnes se présentant comme « cyclistes », qui se sentent dès lors obligées de préciser si elles portent ou non un casque en pédalant. Une femme déplore les « voies en sens inversé (double-sens cyclables, NDLR) pour les cyclistes, où l’on n’a pas la possibilité de passer ». Un homme demande si l’usage de la piste sera « obligatoire ou facultative ». Un « habitant du 20ème » indique que « l’on n’a jamais vu un vélo tuer un piéton », s’attirant aussitôt une réplique du représentant de l’association Les droits du piéton : « Si, si, la dernière femme de Sacha Guitry a été renversée par un cycliste ». Renseignements pris, il s’agit de la troisième des cinq épouses successives du dramaturge et c’était en 1997.

A lire : Les double-sens cyclables sont innocents (mars 2012)

Combien de morts, chaque année à cause du vélo (février 2015)

Comité de district. Sur le ton de la revendication, de nombreux habitants prennent la parole, précisant pour certains leur date d’emménagement (« je vis dans le quartier depuis 1991 ») ou livrant une anecdote personnelle, censée valoir généralisation (« moi, j’ai failli avoir un accident »). Même si l’immense majorité des accidents recensés sur le boulevard concerne les deux-roues motorisés, l’essentiel du débat porte sur les « conflits d’usage » entre cyclistes et piétons. Pour un peu, on se croirait dans l’une de ces réunions de comité de district révolutionnaire dépeinte par la dernière pièce de théâtre de Joël Pommerat, « Ca ira ».

Passer au feu vert. Les élus tentent de canaliser les interrogations. Pour Christophe Najodvski, adjoint (EELV) à la maire de Paris en charge des transports, « entre les piétons et les cyclistes, il s’agit davantage de sentiment d’insécurité que de réelle insécurité. La plupart des piétons décédés ou blessés graves dans la circulation sont victimes des deux-roues motorisés et des voitures ». Pierre Japhet, adjoint (EELV) au maire du 11ème, en charge des déplacements, corrobore : « on pourrait faire une réunion entière sur le respect des règles. Quel est le piéton qui peut dire qu’il n’a jamais traversé au feu vert ? »

Pour compléter : Et si on élargissait les trottoirs, Madame Hidalgo? (décembre 2014)

Mais la salle n’en a pas assez dit. Comme souvent lorsqu’on met la question des) déplacements sur la place publique, chacun se focalise sur les comportements des autres usagers. Extraits des débats : « Dans les voies de bus, les cyclistes sont simplement tolérés, et pourtant ils restent au milieu et emmerdent les autobus », lâche un « habitant du quartier Popincourt ».

« Dangers publics ». Mais encore : « Le vélo a contrario risque de provoquer un danger », « tous les piétons sont des dangers publics avec leur téléphone », « si vous voulez favoriser le vélo, il faut pouvoir aller vite », « les motos brûlent des feux à 100 km/h ; un peu de répression ne ferait pas de mal », « les véhicules légers refusent la priorité aux vélos », «  la pollution sonore des deux-roues motorisés est pénible », etc. Dans cet exutoire collectif, une voix s’élève à un moment pour demander si « la consultation est purement formelle ou si notre avis comptera vraiment ».

Difficile de concilier autant de points de vue, et c’est bien normal. M. Najdovski décide de rebondir sur un aspect peu controversé : la place des motos dans la ville. « Le bruit des deux-roues motorisés est la première nuisance subie par les Parisiens ». Puis, dans le même élan : « Nous allons progressivement interdire leur stationnement sur les trottoirs ». Et enfin : « Je suis favorable, à titre personnel, à ce que les deux-roues motorisés paient leur stationnement ». La salle, enfin réconciliée, applaudit.

Olivier Razemon,  sur Twitter et sur Facebook

NB : les pistes « par extension de trottoir » n’ayant pas rencontré de forte opposition, c’est ce projet qui devrait emporter les faveurs de la Ville.

 

Les 7 choses que j’ai apprises en testant un scooter électrique

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Juin 2016, bonjour Scootlib’. Certes, le Cityscoot ne porte pas ce nom, mais il s’agit bien de cela : un scooter en libre-service, à l’image de Vélib’ et d’Autolib’. Un scooter électrique, s’empressent de préciser la société privée Cityscoot et la Ville de Paris, marraine du projet, qui ne jure que par son bilan carbone (et même si le raisonnement est hautement contestable).

Je n’ai pas testé Cityscoot (mais Philippe Doucet, du Figaro, oui). Mais j’ai eu l’occasion de tester un scooter électrique. C’était en décembre 2014. Le constructeur Peugeot m’avait prêté un « e-vivacity » pour une petite heure d’essai. Ce n’est certainement pas suffisant pour en parler de manière exhaustive. Mais, alors que j’utilise généralement un vélo pour me déplacer en ville, j’ai été surpris par plusieurs choses. Voici lesquelles.

1/ Le casque. Une fois que l’on se coiffe d’un casque de moto, les bruits de la ville parviennent assourdis. On n’entend pas le léger ronronnement du moteur électrique du scooter, il est vrai très discret. Mais on entend à peine davantage le bruit de la circulation, les colères sonores, les klaxons. Même les accélérations ostentatoires des autres deux-roues motorisés ne semblent pas si terribles. Ainsi, curieusement, quand on se déplace en scooter, et grâce au casque, on pourrait presque croire que la ville est silencieuse.

2/ Le poignet. Il suffit d’un mouvement du poignet pour accélérer (ça, quand même, je le savais). Avec un scooter électrique, c’est encore plus facile, rapide, immédiat qu’avec un scooter thermique, qui a besoin d’un petit temps de réaction avant que l’accélération soit effective. Le démarrage rapide implique dès lors de maîtriser l’objet, d’apprendre la stabilité. L’engin pèse tout de même 115 kilos (comme le Cityscoot). Gare aux accidents!

3/ La vitesse. Le scooter de Peugeot compte trois vitesses : économie, maximum et recul. A l’usage, il est tentant de n’user que du maximum. On m’a promis la vitesse, j’utilise la vitesse. Dès lors, la rue m’apparaît simplement comme un large tuyau. Pas facile de respecter, lorsqu’elle est obligatoire, la limite des 30 km/h. Derrière, la pression des autres utilisateurs, voitures et autres motos, se fait forte. « Vous êtes le seul à vouloir respecter les limites », me dit le vendeur après l’essai. En pratique, à part les feux rouges, seules deux choses m’amèneront à ralentir : des obstacles, voitures en double-file, camionnettes, poubelles. Ou la présence de personnes sur la voie. Le scooter est lourd et rapide. Je ne veux pas les blesser. Donc je ralentis.

P10001844/ Le savoir-vivre. Très vite, aidé par la facilité, on se croit tout permis. On est tenté de prendre les couloirs de bus ; au feu rouge, on lorgne les sas vélo ; on hésite à laisser passer les piétons. Avec ce genre d’engin, il faut penser courtoisie en permanence pour ne pas se transformer en gougnafier. La plupart des conducteurs se comporteront certainement en gentlewomen (ou en gentlemen le cas échéant). Mais il suffit de quelques uns…

5/ La ville. On peut aller assez loin sans vraiment s’en rendre compte. On peut se tromper d’itinéraire, passer une rue puis revenir en arrière, monter une côte, la redescendre. La ville n’a pas la même dimension sur un scooter que sur un vélo. Les distances ne sont certes pas abolies, mais elles sont anodines. Le moteur, en ville, ne permet pas toujours d’aller vite. Mais il permet d’aller loin.

6/ Le prix. Si le un scooter électrique coûte deux à trois fois plus cher que son équivalent thermique (4400€ contre 1700€), l’énergie, m’explique le vendeur, est presque gratuite : à peine 50 centimes le plein. L’entretien se limite aux freins. Le moteur ne subit pas d’usure, m’assure-t-il.

7/ L’autonomie. Il faut 4 heures pour charger la batterie à 80%, 6 heures à 100%. Et en combien de temps il se décharge ? « Les constructeurs sont incapables de le dire », m’explique le vendeur de Peugeot. Qui regrette : « on ne comprend pas pourquoi ce n’est pas plus fiable ». Dès lors, si on utilise le scooter pour aller au travail, mieux vaut avoir une prise au bureau et une autre à la maison, les deux de préférence. En outre, la batterie se décharge plus vite quand il fait froid.

Bref, tout ceci ne me donne pas spécialement envie d’acheter un scooter, fut-il électrique. Le coût à l’achat, le risque et l’absence d’activité physique me rebutent. Sans oublier les conséquences pour les autres usagers, la ville, la rue. Je garderai mon vélo. Merci Peugeot (en fait plutôt Mahindra & Mahindra, qui détient 51% de Peugeot scooters), quand même!

Olivier Razemon,  sur Twitter, Facebook et Instagram.

Illusions et désillusions de la propulsion électrique :

Les taxis et les bus peuvent-ils vraiment rouler à l’électrique dans 5 ans? (avril 2015)

« Dans 10 ans, toutes les voitures neuves seront électriques ». Ou pas (juin 2015)

Ce 1er avril, l’État, lourdement endetté, offre 10000€ à chaque automobiliste (avril 2015)

 

 

 

 


Cityscoot, le scooter électrique que l’on gare impunément sur le trottoir

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Le bolide bleu et blanc file à bonne vitesse sur un boulevard parisien. Le moteur n’émet qu’un léger bruissement, auquel s’ajoute le bruit du frottement des roues sur le bitume. Dans une rue adjacente, un autre engin s’est placé en pole position, juste devant le feu, dans le sas cyclable, en principe réservé aux seuls vélos. Les scooters électriques en libre-service Cityscoot, reconnaissables à leur carrosserie aux couleurs bavaroises, poursuivent leur assaut de la capitale. Ils dévalent les avenues, arpentent les boulevards, se faufilent dans les petites rues.

Et ils investissent, à l’arrêt, les espaces dévolus aux autres usagers. Sur les trottoirs, les terre-pleins, dans les rues piétonnes, les bandes cyclables, entre les arceaux de stationnement pour vélos, les Cityscoots sont garés partout. Comme le rapportent de nombreux riverains sur Twitter, il est devenu difficile de faire quelques pas dans Paris sans en apercevoir quelques uns, stationnés de manière incongrue.

Trottoirs obstrués. Les conséquences, pour les autres usagers, sont multiples : des piétons doivent descendre sur la chaussée parce que le trottoir est obstrué, le cheminement, avec une poussette ou en fauteuil roulant, devient difficile, des cyclistes ne peuvent plus emprunter la bande qui leur est en principe réservée sur la chaussée.

Certes, les adeptes de Cityscoot ne se comportent pas différemment des autres conducteurs de deux-roues motorisés, bien plus bruyants et polluants. On trouve sur les trottoirs de la capitale, mais aussi à Bordeaux, Toulouse ou Lyon, voire à Strasbourg ou Grenoble, de plus en plus de scooters et motos garés impunément. On y croise aussi des voitures, des camionnettes, et des cyclistes qui fuient la vitesse de la circulation ou compensent l’absence d’aménagement adapté.

Le paradoxe du véhicule électrique. Toutefois, la prolifération des Cityscoots dans les espaces dévolus aux piétons illustre magnifiquement le paradoxe des véhicules électriques. Systématiquement présentés comme « propres », et vertueux par nature, par les pouvoirs publics, à commencer par la maire (PS) de Paris Anne Hidalgo, ces engins à propulsion électrique ne sont pas neutres. Volumineux, ils encombrent l’espace public, et présentent tous les autres inconvénients des modes motorisés : consommation de matières premières extraites à l’autre bout du monde, danger pour les utilisateurs et les autres usagers, sédentarité. Des nuisances mises en lumière en 2016 par une étude de l’Institut d’urbanisme d’Ile-de-France.

Les scooters en libre-service Cityscoot existent depuis juin 2016, un an seulement. Il s’agit, au contraire de Vélib’ ou d’Autolib’, d’une société privée, et non d’une concession d’un service public. Mme Hidalgo n’a pas oublié que « Scootlib », projet de scooter électrique en libre-service, constituait une promesse de l’un de ses petits alliés au Conseil de Paris, le Parti radical de gauche (PRG). Le succès de Cityscoot, qui salarie 100 personnes contre 10 l’an dernier, par ailleurs encensée par plusieurs articles de presse, permet de s’exonérer de cette promesse de campagne.

1500 Cityscoots, 4000 Autolibs, 14000 Velibs. On compte déjà 1000 engins à Paris et dans deux communes limitrophes, et le système ne cesse de monter en puissance. Le nombre de ces bolides sera porté à 1500 fin septembre à Paris et dans plusieurs communes proches, explique Vincent Bustarret, directeur marketing de la société. Cityscoot aura en outre bientôt un concurrent, baptisé Coup. A titre de comparaison, on compte dans Paris et sa proche périphérie 14000 Velibs (même si le concessionnaire sur le départ JCDecaux en annonce officiellement 24000) et 4000 Autolibs dans un périmètre comprenant 100 communes.

Les responsables de la société Cityscoot n’ignorent pas qu’une partie de leurs clients stationne les engins à des endroits gênants. « Certains ne respectent pas » le code de la route, admet M. Bustarret. Ces abus ne sont pas tous impunis, précise-t-il. « Nous avons reçu depuis l’an dernier des centaines de contraventions que nous avons réaffectées aux abonnés, en leur facturant des frais de gestion de 15€ ». Parfois, lorsqu’il faut aller chercher le scooter à la fourrière, le montant de la note s’alourdit même de 300€ supplémentaires. Plusieurs abonnés ont vu leur compte Cityscoot bloqué, mais la société ne précise pas si cela est arrivé en raison du stationnement interdit. Les utilisateurs ont reçu récemment un mail leur rappelant les règles en matière de stationnement et la société envisage d’autres actions pour faire respecter la loi, sans en dire davantage.

Un « risque de se faire prendre ». En pratique, la plupart des stationnements illégaux demeurent impunis, tout simplement parce qu’à Paris, la police verbalise rarement ces comportements, comme le montre le Bilan des déplacements de Paris pour 2014. Pour M. Bustarret, le stationnement gênant se limite pour l’utilisateur de Cityscoot à « un risque de se faire prendre, comme quand on dépasse de 1 km/h la vitesse autorisée ». Selon lui, il existe « des zones à risque » qui dépendent de la « tolérance » plus ou moins bienveillante de la préfecture de police. Ce raisonnement en termes de « risque » et de « tolérance », sans égard pour les piétons et cyclistes gênés ou mis en danger, est commun lorsqu’on discute au bistrot du coin de stationnement abusif. Il surprend toutefois de la part d’un responsable d’un système présenté comme vertueux.

M. Bustarret précise par ailleurs, à juste titre, que les Cityscoot étant partagés en moyenne par sept utilisateurs par jour, ils ne restent pas stationnés toute la journée au même endroit, contrairement aux deux-roues motorisés « ventouse ». Il pointe aussi une « insuffisance » du nombre de stationnements pour motos. Ce qui n’est pas toujours vrai, comme le montre le tweet ci-dessous.

Laxisme pro-moto. La société bénéficie ainsi de la politique laxiste de la Ville de Paris à l’égard de l’ensemble des deux-roues motorisés. Dans les années 1960, les mobylettes et autres « bécanes » avaient profité, à l’échelle nationale, du même laxisme, comme le rappelle Frédéric Héran dans Le retour de la bicyclette (La Découverte, 2014). Le deux-roues motorisé s’était alors développé massivement, au prix de nombreux tués sur les routes, et au détriment du vélo, qui constituait jusque-là un mode de déplacement très commun. Les moyens de transports fonctionnent en effet comme des offres concurrentes. Que l’on en avantage un, et il se développera, au détriment des autres.

Vélib’ en ligne de mire. Cityscoot affirme ne pas savoir comment se déplaçaient ses clients avant de basculer vers le système et estime qu’il s’agit pour la plupart d’« usagers multimodaux », qui empruntent un Cityscoot de temps à autre, en complément d’un trajet en métro, par exemple. Lorsqu’il défendait le projet Scootlib, en 2014, Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, affirmait que le système séduirait une clientèle « de jeunes et de jeunes actifs, de 14-16 ans à 35-40 ans, qui possèdent un deux-roues motorisé ou se déplacent en Vélib’ ou en métro ». Cet article d’un magazine dédié à la « consommation collaborative » présente le système comme « Vélib’ en plus rapide », ce qui rappelle la publicité de Mobylette en 1946 : « une bicyclette munie d’un bon petit vent arrière permanent ». Le slogan de Cityscoot, inscrit sur chacune des « jupes » bleues des engins, est limpide : « la liberté sans borne ». Comme un pied de nez à Vélib’.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et des pictogrammes sur Instagram).

Et le petit concurrent, « Coup », n’est pas en reste:

 

 

 

 

 

 

 

« AccidentMortel », le compte Twitter de la route qui tue

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Capture d’écran du compte « AccidentMortel »

C’est un compte Twitter assez discret, 80 abonnés seulement (au 15 janvier), mais bouleversant, et même violent. « AccidentMortel » recense depuis septembre 2017, jour après jour, mais pas en temps réel, des accidents de la circulation ayant entrainé, sur le territoire français, la mort d’au moins une personne. Le 15 janvier, suite à cet article, l’auteur du compte, @EmmanuelSPV, a fait son « coming-out », révélant être à l’origine du fil.

« Ce compte twitte l’intégralité des accidents recensés sur diverses journées prises au hasard », comme l’indique sa présentation, qui précise aussi que « les accidents rapportés », issus du fichier de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), « ne sont pas choisis ». Les données brutes sont ici. La présentation des faits est parfois complétée par des coupures de la presse locale.

Écœurement, colère, hébétude. A la lecture de ce fil, qui raconte en quelques lignes les drames bruts, ces petites histoires individuelles qui n’auraient jamais dû se produire, on est saisi par l’écœurement, la colère ou l’hébétude. On en apprend aussi beaucoup sur les circonstances des accidents et sur les comportements quotidiens qui sévissent sur la route.

Discours déresponsabilisants. Cette recension met ainsi un sérieux coup aux discours fatalistes et déresponsabilisants, les fameux « je ne pouvais pas faire autrement » ou « la faute à pas de chance ». Cela permet de prendre de la distance avec les complaintes des contrevenants qui paient des amendes et perdent des points de permis de conduire pour avoir roulé trop vite, après avoir trop bu ou fumé un joint, y compris lors de trajets courts ou quotidiens.

La lecture du compte AccidentMortel confirme et illustre les statistiques sur lesquelles le gouvernement s’est appuyé, par exemple, pour annoncer la réduction à 80 km/h de la vitesse maximale sur les routes. Ainsi, la majorité des accidents mortels se produisent en-dehors des agglomérations, dans des petites communes, le long de départementales pas toujours fréquentées. Et, ce n’est pas une surprise, la quasi-totalité d’entre eux impliquent au moins un conducteur motorisé.

La litanie comporte son lot de carambolages, d’accidents emportant la vie de plusieurs personnes, d’automobilistes circulant à contresens sur l’autoroute, de motards fauchés en ville, voire de circonstances insolites comme cette toupie en béton qui percute une femme à Saverdun (Ariège).

Vitesse et précipitation. Le mot « vitesse » n’apparaît pas souvent sur le fil Twitter. On perçoit cette vitesse en filigrane, s’imposant comme une évidence dans les quelques photos publiées, ou dans ces histoires de véhicules qui se foncent dessus frontalement, s’encastrent ici ou sous des camions ou un car scolaire, effectuent des sorties de route inopinées. Et que penser de cette fillette de 10 ans, fauchée alors qu’elle était descendue de la voiture de ses parents, en panne? Plus que de la « vitesse », on ressent souvent de la précipitation, comme cette femme qui vient de déposer son enfant à l’école et qui heurte un motard, lorsque « Ginette, 79 ans, renversée par son mari de 80 ans alors qu’il sort la voiture de chez eux », ou encore lors de ces circonstances analogues.

L’alcool est rarement mentionné dans les accidents recensés, même si on sait qu’il constitue une circonstance récurrente. Dans ce cas, le conducteur s’en sort, mais pas la passagère à l’arrière. Ici, c’est un œnologue, 0,8 gramme d’alcool dans le sang, qui percute une femme circulant à pied le long d’une route, et qui portait un gilet de sécurité.

Perte de contrôle. On ne sait pas exactement ce qui est arrivé à cette conductrice à Marigné (Maine-et-Loire), ni à cet homme de 38 ans dont le véhicule fait des tonneaux à Plouguernével (Côtes d’Armor) ni à ce motard de 29 ans en train de remonter une file de voitures « à l’heure de la sortie des bureaux ». Tous les trois se sont tués seuls, et le contrôle de leur engin, pour une raison mystérieuse, leur a échappé. A Sermaize (Oise), les supputations se multiplient. S’agit-il d’une « glissade due au verglas, manœuvre pour éviter un autre véhicule, endormissement ? », se demande le Courrier picard.

Grêle, verglas, soleil rasant. Les conditions météorologiques peuvent constituer des circonstances périlleuses, comme cette bourrasque de grêle, fatale à Patrick, 41 ans, à Prissac (Indre), cette collusion frontale « peut-être liée au verglas », tandis que « le soleil rasant aurait joué » dans cet accident à Birac-sur-Trec, dans le Lot-et-Garonne.

Le drame se produit souvent sur une route de campagne, à la sortie d’une courbe, voire sur une ligne droite. Deux véhicules, qui n’auraient dû que se croiser, se rentrent dedans à vive allure. Manifestement, l’un d’entre eux circulait sur la voie d’en face, et ce n’est pas une fatalité.

Ces personnes qui traversent juste une rue. Au-delà de ces accidents de la route proprement dits, bon nombre de personnes trouvent la mort en se contentant de traverser une rue à pied, y compris, c’est même le cas le plus fréquent, sur un passage piéton. Ce tweet, glaçant, résume les faits : « Du 8 au 12 décembre 2016, les accidents mortels ont causé 73 morts, dont 14 piétons, de 5 ans à 89 ans. »

Pour compléter: Les conducteurs invités à mieux respecter les usagers vulnérables (février 2016)

Sur la route, c’est la journée de l’homme tous les jours (mars 2014)

De nombreux messages de prévention routière intiment aux piétons de faire attention à la circulation, de ne pas traverser « en-dehors des clous », voire de porter des chasubles réfléchissantes. Le Point assurait même étrangement en juin 2017 que « les piétons et cyclistes remplacent les chauffards » dans les statistiques de la mortalité routière.

Lire aussi: Alcool, ceinture, vitesse: florilège des idées reçues sur l’insécurité routière (décembre 2014)

« Vêtements sombres ». Mais, il faut apparemment le rappeler, c’est le manque d’attention des conducteurs motorisés qui les fauche. Dans cet exemple, un article du Républicain Lorrain précise incidemment que la victime renversée au petit matin par une conductrice de bus dans l’agglomération de Metz, « portait des vêtements sombres » (comme tout le monde en hiver, en fait). Mais enfin, elle était tout de même sur un passage piéton!

Les exemples de piétons renversés et tués sont nombreux, ces drames se produisent plus volontiers en ville et les victimes sont souvent des femmes âgées, comme cette femme de 64 ans dans le Morbihan « sous une forte pluie », cette femme de 87 ans dans les Pyrénées-Atlantique, cette piétonne de 86 ans à Saint-Étienne, ou encore Marguerite, 90 ans, écrasée à Auch, le conducteur prenant la fuite.

Malaise. A Poissy (Yvelines), cette dame de 77 ans « tombe sur un passage piéton devant un camion arrêté au rouge. Au vert, le chauffeur de 54 ans redémarre et l’écrase sans s’en rendre compte ». Il s’est produit une situation analogue à Saint-Étienne, où un nonagénaire fait un malaise sur un passage piéton.

Les cyclistes sont des victimes. Les cyclistes paient eux aussi un lourd tribut à l’insécurité routière. Dans de la plupart des cas, ils sont renversés et tués, à la campagne, par exemple ici en Guadeloupe. On apprend incidemment, à l’occasion de la recension d’un autre événement, un accident dont est victime un cycliste, gravement blessé, après avoir croisé la route d’une automobiliste ivre.

Sur la piste cyclable. A vélo, on est parfois en danger y compris dans les espaces où l’on devrait se sentir protégé. Ainsi, à Plérin (Côtes d’Armor), un adolescent qui circulait à moto sur la piste cyclable renverse et tue un cycliste de 45 ans. Ce n’est pas le seul cycliste tué par un motard, comme le signale ce résumé en quelques lignes : « Bergerac (Dordogne). Gilbert, 82 ans, faisait une sortie à vélo avec des camarades. Un motard de 36 ans sous effet de stupéfiants fonce frontalement dans le groupe, le percute, et prend la fuite. Le soir, Gilbert meurt, le motard se rend ».

Et aussi : Combien de morts, chaque année, à cause du vélo? (février 2015)

Si on tombe de son vélo, on peut se faire mal. Mais si une voiture passe juste après, cela devient dramatique, comme le montre cet accident survenu à Marckolsheim (Bas-Rhin), ou celui-ci qui a eu lieu à La Réunion, un scooter à la place du vélo.

On n’est pas obligé de passer plusieurs heures à lire le fil d’AccidentMortel. 5 ou 10 minutes suffiront pour comprendre que, derrière les statistiques, il y a des vies. Et des comportements dangereux.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et d’étranges panneaux sur Instagram).

 

Sous la neige, Paris apaisée

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© Olivier Razemon

Couple et chien à Paris, le 6 février 2018

Féérique, prodigieux, enchanteur… Sous la neige, loin des difficultés rencontrées sur les réseaux routiers et ferroviaires d’Ile-de-France, Paris jouit pleinement de sa tranquillité. Sur une promenade plantée, un couple profite de l’ambiance ouateuse pour s’accorder une promenade vespérale en jouant avec son chien, tout émoustillé. Une jeune femme s’amuse à amasser la neige qui recouvre une barrière sur le bout de sa moufle. Dans le quartier Oberkampf, derrière la vitre embuée des bars branchés, on perçoit une clameur surexcitée. Sous la neige, Paris s’enivre.

Mais pas seulement. Dans une ville aussi dense, aussi bouillonnante, autant striée par les transports en tous genres que l’est la capitale, les 2, puis 5 et bientôt 10 centimètres de neige permettent d’effectuer des observations instructives. Voici quelques constats résultant de deux traversées de l’est parisien à pied, entre 18h et 19h, puis entre 22h et 23h, le mardi 6 février.

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Tant d’espace inutilisé.

L’espace optimisé. Le « sneckdown«  (des militants de la francophonie ont proposé le terme « améneigement »), est cette partie de la chaussée recouverte de neige qui apparaît comme soustraite à la circulation motorisée. En temps normal, cela ne se remarque pas, mais les voitures, motos et autres camions n’utilisent qu’une partie de la surface qui leur est allouée. Le long des rues, aux angles des carrefours, entre deux voies de circulation se nichent des étendues de taille variable qui pourraient sans dommage être rendues aux piétons, aménagées en pistes cyclables ou en arrêts de bus. Pour en savoir plus, lire ceci.

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Ça roule, mais moins vite.

La circulation ralentie. Ralentie, mais pas à l’arrêt. En fin d’après-midi comme en milieu de soirée, les voitures circulent dans la capitale, mais moins vite que d’habitude, plus régulièrement, autour de 30 km/h environ. On ne constate aucun dépassement intempestif, les limites de sécurité semblent respectées, chaque automobiliste porte une attention particulière à la route et à son véhicule.

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Dérapage incontrôlé.

La prudence des scooters. Vers 18h, les conducteurs des deux-roues motorisés roulent lentement, les deux pieds de chaque côté de leur machine, comme pour prévenir toute glissade. Vers 22h, ils ont pratiquement disparu des rues. Trop risqué. Paris sous la neige, c’est aussi Paris sans moto.

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Le silence de la nuit.

L’étonnant silence. En conséquence des deux observations mentionnées ci-dessus, la ville est beaucoup moins bruyante que d’habitude. On peut entendre la conversation, les rires et même les pas des passants dans la neige. Paris n’avait pas connu cela depuis longtemps.

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Sans hésiter, il trace.

La ténacité des cyclistes. Malgré l’offensive de l’hiver, certains adeptes du vélo n’ont pas changé leurs habitudes. Cet homme croisé rue du Faubourg du Temple admet que « ça glisse un peu », mais qu’il parvient à se diriger sans difficulté majeure. En soirée, ils sont encore quelques uns à braver les éléments.

La déconnexion des piétons. Pour patauger dans la fraîche, mieux vaut avoir des chaussures imperméables, des gants fourrés et le pied ferme. Et pour ne pas trébucher, mieux vaut regarder devant soi. Résultat, très peu de personnes se baladent le nez dans leur smartphone, ignorant la foule qui vibrionne autour d’eux, comme ils le font d’ordinaire. La sobriété par accident.

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On s’amuse!

Des enfants surexcités. A la sortie d’une école, ils s’en donnent  cœur joie, attrapent les paquets de neige sur les rebords de fenêtre, les barrières, les poubelles. Font des boules, s’en jettent à la figure en riant. Se cachent derrière les voitures stationnées pour surprendre et être surpris. Sans vraiment faire attention à la circulation. « Attention », dit une femme à son enfant, avenue Parmentier, « les voitures n’ont pas l’habitude de la neige ».

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Ca fait un moment qu’un bus n’est pas passé par là.

La vacance des bus. Avenue Ledru-Rollin, un jeune homme fait mine de se plaindre : « je vais rentrer comment, moi ? Quelques centimètres de neige, et voilà, le bus ne passe pas avant une demi-heure ». Il rentrera à pied. De fait, le réseau de bus francilien, ne fonctionne plus depuis la fin de l’après-midi. Vers 22h30, place de la Bastille, la voie réservée aux bus est vierge de toute trace.

© Olivier Razemon

Restaurant ouvert.

L’absence des livreurs. D’habitude, on en croise à tous les carrefours, cyclistes ou scooteristes, sac sur le dos siglé d’un kangourou bleu ou d’une cloche de restaurant rouge. Ce soir, ils ont pratiquement disparu. Les clients devront se faire à manger de leurs propres mains. Ou aller au restaurant. Ce qui ne représente tout de même pas un effort surhumain dans une ville qui en compte 14000.

Le colloque qui tombe à point. Et entre ces deux trajets à pied, de 19h à 22h, à la Maison de la RATP, un colloque prévu de longue date, organisé par Libération, se tient sur le thème des transports dans le Grand Paris. La ministre Élisabeth Borne, attendue, s’est fait excuser. Les trains retardés, les routes encombrées, la neige incessante, exigent son attention de tous les instants. Trois tables rondes se succèdent. Comme dans de nombreuses réunions du même type, on parle « ville apaisée », « espace rendu aux piétons », « vitesse maîtrisée », « respect des usagers les plus faibles ». Un avenir riant souhaité par tous les participants, mais qui tarde selon eux à se manifester. Pendant ce temps, au-dehors, grâce à la neige qui tombe sans discontinuer, leurs vœux sont momentanément exaucés.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et d’étranges panneaux sur Instagram).

 

 

 

 

« Piste cyclable sans scooter, c’est le bonheur ! »

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Les cyclistes sont applaudis par les militants.

Bravo ! Les personnes qui circulent à vélo sur le boulevard Saint-Denis, à Paris, le 13 avril, vers 19h, n’en reviennent pas. Non seulement ils peuvent emprunter la bande cyclable en toute sécurité, mais en plus ils sont applaudis par une haie d’honneur. Tout le long de cette bande d’environ 100 mètres, une cinquantaine de militants et sympathisants de l’association pro-vélo Paris en selle se sont disposés pour former une chaîne humaine, afin de garantir le passage des cyclistes.

[Au bas de cet article, vous trouverez des éléments de documentation au sujet des diverses nuisances des deux-roues motorisés]

L’opération, baptisée #protegetapiste, dure environ trois-quarts d’heure. En cette fin de journée, le boulevard, portion de ce que l’on appelle, dans la « capitale du climat », « les grands boulevards », est encombré par le trafic habituel, qui rugit à chaque passage au feu vert et freine brusquement 100 mètres plus loin, au feu suivant. Voitures individuelles, taxis, camionnettes, cars touristiques, véhicules noirs estampillés Uber ou Chauffeurs privés, et puis les motos, scooters à deux, trois ou quatre roues, mobylettes de livreurs, vespas ou scooters électriques, dominent la chaussée.

Lire aussi: Comment Paris espère devenir la capitale de la moto (juin 2015)

Scooters et motos contraints de faire la queue pour prendre la voie réservée aux véhicules motorisés.

Sourires et mercis. Et au milieu de ce tintamarre et des effluves persistantes de pots d’échappement, des cyclistes, eux aussi, rentrent du travail, et cherchent à se frayer un chemin, de préférence sur la bande qui leur est en principe réservée. La haie d’honneur de Paris en Selle est pour eux une divine surprise. « Piste cyclable sans scooter, c’est le bonheur », scandent quelques militants. Applaudis, les cyclistes sourient, remercient, saluent d’un pouce levé. En tenue de bureau, vêtus d’un gilet jaune ou d’une chasuble aux couleurs d’une société de livraison de repas, sur leur vélo de ville, leur fixie, un Vélib’ ou un Mobike, casqués ou non, ils sont plusieurs dizaines à profiter de l’aubaine.

Pour Paris en Selle, l’opération vise à dénoncer l’occupation récurrente des aménagements cyclables par les deux-roues motorisés. A Paris, mais aussi dans sa proche périphérie, à Montpellier, Marseille, Toulon, Bordeaux ou Genève, les bandes cyclables, les pistes séparées de la circulation, les sas de sécurité, les couloirs de bus partagés sont, à des degrés certes variables selon les villes, occupés par les engins motorisés.

Intimidation. Des happenings similaires ont d’ailleurs eu lieu à Nantes et à Lyon en septembre (à lire ici), et à Toulouse le 11 avril. Pour Charles Maguin, président de Paris en Selle, les comportements dangereux des motos et scooters intimident les cyclistes et surtout ceux qui aimeraient se mettre au vélo mais hésitent à le faire, de peur de ne pas se sentir en sécurité.

Sourires et pouces levés.

Ce vendredi, l’opération se passe plutôt bien. Les conducteurs de deux-roues motorisés, qui approchent du carrefour, aperçoivent la chaîne humaine et se détournent prudemment, empruntant la voie normale, qu’ils partagent avec les voitures. D’autres, qui hésitaient, se ravisent lorsqu’ils comprennent la direction que leur indiquent les militants. On entend, rarement, quelques insultes.

La panoplie des nuisances. Seule une minorité de têtes brûlées tente de forcer le passage. Charles Maguin en a compté « quatre », tous des hommes. Ces quelques excités usent de toute la panoplie des nuisances de leurs engins pour tenter de s’imposer. L’un lui roule sur le pied, un autre le bouscule, en le blessant légèrement, un troisième fait rugir son moteur et le quatrième lâche les gaz volontairement, dégageant une épaisse fumée grisâtre.

Gifle monumentale. L’agression la plus violente vient toutefois d’un automobiliste, dont le rétroviseur percute le bras d’un militant au cours d’une manœuvre précipitée. Persuadé que le jeune homme a volontairement touché sa voiture, l’automobiliste freine brusquement, sort de son habitacle et donne une gifle monumentale à son interlocuteur malgré lui, qui en garde une trace rouge sur la joue.

Au même endroit, 10 minutes après la fin de l’opération. Les deux-roues motorisés, électriques ou non, ont repris tout l’espace.

Mais il s’agit d’exceptions. L’opération montre que la plupart des usagers des deux-roues motorisés sont parfaitement conscients que leur place n’est pas sur un aménagement cyclable. Ils s’en écartent volontiers, lorsqu’ils ressentent que leur présence n’est pas la bienvenue. Une présence policière, de temps à autre, serait au moins aussi efficace. Depuis le début du mois de janvier, la Ville de Paris a annoncé avoir procédé à plus de 10000 verbalisations dans les couloirs de bus et les pistes cyclables. Un chiffre inédit.

Boulevard Saint-Denis, alors que l’opération de Paris en Selle se termine, un commerçant du voisinage interpelle les militants : « C’est bien ce que vous faites. Mais que dites-vous des vélos que l’on voit toute la journée sur le trottoir ? » C’est juste, les vélos n’ont rien à faire sur le trottoir. Les scooters non plus, d’ailleurs.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et d’étranges panneaux sur Instagram).

Ci-dessous, voici quelques éléments de documentation sur les diverses nuisances des deux-roues motorisés :

Les scooters, ces super-pollueurs (Le Monde, mai 2014)

Lancement de « Ras le Scoot », un collectif d’associations contre les nuisances des motos et scooters (Le Parisien, avril 2018)

Les deux-roues et les voiturettes polluent plus que les voitures (Science et Avenir, décembre 2017)

Deux villes du Val-de-Marne instituent le stationnement payant pour les motos et scooters (Le Monde, mars 2018)

Bientôt des radars anti-bruit pour les motos (Le journal de l’environnement, février 2018, ainsi que dans Moto-Net)

Les deux-roues motorisés, quelle approche pour les politiques de mobilité? (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France, juin 2016)

Et maintenant, le happening du 13 avril vu par Narno, qui passait par là à vélo:

 

 

 

 

 

 

92% des conducteurs de deux-roues motorisés sont des hommes

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Manifestation de motards à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais)

Vroooooom ! En un seul passage, le scooter bouleverse la vie du quartier. Des enfants se bouchent les oreilles, des personnes conversant sont contraintes de hausser la voix, des fenêtres se ferment, et aux terrasses des bistrots, les regards se figent un instant. Et une odeur indéfinissable de pétrole brûlé envahit l’atmosphère.

Faites le test. Le deux-roues motorisé est l’objet le plus bruyant en milieu urbain. Faites le test, écoutez la ville. A part la sirène des pompiers et le gros camion, voire le décollage d’avion, il n’y a pas grand-chose qui concurrence la moto ou le scooter plus ou moins débridé en pleine accélération.

Trois scooters sur un sas cyclable, Paris.

Comptage empirique. Mais qui sont les conducteurs de deux-roues motorisés ? A force de parler de ces véhicules de manière anonyme, on oublie qu’ils ont été achetés, assurés, véhiculés par des êtres humains. J’ai voulu en savoir plus. Je me suis posté à différents endroits de l’est parisien, en avril, en mai, puis en septembre. Et j’ai compté. Les hommes, les femmes. Les scooters, les motos. Les électriques, les trois-roues. Et aussi le nombre de personnes transportées. Bien sûr, il ne s’agit que d’une observation empirique. Bien sûr, il faudrait renouveler ce travail à divers endroits, dans différentes villes. Et enfin, oui, il serait intéressant de mener des études similaires auprès des utilisateurs du vélo, de la voiture ou de la trottinette.

Seulement 7,6% de femmes. Quoi qu’il en soit, les résultats sont édifiants. Sur un total de 622 deux-roues motorisés observés, 575 étaient conduits par des hommes, et 47 par des femmes. Les hommes constituent 92,4% des usagers, les femmes 7,6%. Une enquête effectuée en Ile-de-France en 2010 (ici, page 16) indiquait que les utilisateurs des motos et scooters étaient à 87% des hommes.

Un scooter électrique partagé Coup, sur un passage réservé aux vélos, s’apprête à rouler sur le trottoir.

Il y a peu de moyens de transport dont l’usage soit aussi marqué par la différence de genre. Les opérateurs de transports collectifs savent que l’on croise dans les bus une majorité de femmes, 52%, précise Frédéric Baverez, vice-président de l’Union des transports publics (UTP). En France, le vélo séduit plutôt les hommes, qui constituent autour de 60% des cyclistes, contre 40% de femmes. Aux Pays-Bas, à l’inverse, les femmes sont légèrement plus nombreuses que les hommes sur des vélos.

L’homme est aussi fragile que la femme. Mais tout de même, 92% ! Il n’y a guère que les chauffeurs de taxi qui atteignent un tel taux de non-mixité, 96% d’hommes selon Marie-Xavière Wauquiez, auteure d’un livre sur le sujet. Cet énorme décalage peut s’expliquer par le rapport au risque, alors que les motos et scooters s’avèrent particulièrement sujets aux accidents. Les hommes sont aussi fragiles que les femmes, évidemment. Mais leur éducation en amène certains à prendre davantage de risques, pour eux comme pour les autres. Certains, pas tous. Une bonne partie des hommes ne prend pas non plus le risque de monter sur un deux-roues motorisé.

Comme le souligne, sur Twitter, Emmanuel, qui se base sur les données publiées par la Sécurité routière, « 375 motards ou scootéristes hommes ont blessé un piéton à Paris en 2016, pour 25 femmes ». 94% de ces accidents ont donc pour auteurs des hommes. Pour la France, « les chiffres sont de 920 et 60, et la proportion hommes/femmes équivalente », indique-t-il.

Ces constats confirment que le deux-roues motorisé est un mode profondément inégalitaire. Ces engins occupent beaucoup d’espace, lorsqu’ils vont vite comme lorsqu’ils sont stationnés. Ils génèrent beaucoup de bruit, une forte pollution de l’air, une insécurité routière énorme. Mais ils ne sont utilisés que par une fraction de la population.

Des données détaillées au pied de cet article: « Piste cyclable sans scooter, c’est le bonheur » (avril 2018)

Les autres résultats de mon étude empirique montrent qu’à Paris, le deux-roues motorisés est avant tout un scooter. Seuls 12,5% des véhicules comptabilisés sont des motos. Parmi les scooters, on peut noter la proportion non négligeable de trois-roues (10,5% du total) et la marginalité des scooters électriques (6,8%). Ceux-ci se partagent en trois parts à peu près égales : les véhicules des sociétés en libre-service Coup et Cityscoot, et les scooters de livraisons.

Une moto roule dans une rue piétonne, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

1,08 personne par véhicule. Enfin, sur 52 engins, soit 8,4% des deux-roues observés, étaient assises deux personnes, dans l’écrasante majorité des cas un homme au guidon, et une femme à l’arrière, ou deux hommes. Le taux d’occupation du deux-roues motorisé atteint donc, à Paris, 1,08 personne par véhicule, à comparer avec le taux de 1,2 personne par voiture, selon les décomptes officiels.

Pour cette enquête, j’ai enfin voulu observer qui étaient les auteurs d’infractions. Je me suis posté à plusieurs endroits, le long d’une piste cyclable que les scooters ont tendance à emprunter lorsque la circulation devient dense, à un carrefour comprenant un passage réservé aux seuls cyclistes ou dans les rues interdites aux véhicules motorisés près de la place de la République.

Auteurs d’infractions. La répartition des auteurs d’infraction n’est pas sensiblement différente de celle constatée dans le groupe témoin. On observe toutefois une surreprésentation des scooters électriques parmi les contrevenants, 12,1% contre 6,8% du total. Comme si leurs conducteurs s’imaginaient exonérés du respect des autres usagers puisqu’ils font moins de bruit et polluent beaucoup moins l’air.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

Le conducteur de ce scooter est descendu de son engin, sur un passage réservé aux vélos.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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